La mort en EHPAD : un tabou pour les soignants

Acteurs de l'écosystème Alzheimer

Date de rédaction :
01 novembre 2017

Comment la mort est-elle abordée en établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) ?, s’interroge Brigitte Bègue, d’Actualités sociales hebdomadaires. Pour l’anthropologue Georges Arbuz, on ne protège pas les résidents en évacuant le sujet : « on transpose la dégradation de l’état physique des personnes âgées à leur état psychique. Et comme leur corps est très affaibli, on ne leur dit rien, de peur de les contrarier. Mais c’est un désastre. Trop protéger empêche d’échanger sur ses angoisses. Ne pas dire la vérité met sur un chemin impossible. Et, sur le plan éthique, cela pose un problème : qui est-on pour prendre la décision que l’autre est trop fragile pour pouvoir assumer le destin qui est le sien ? » L’anthropologue observe que la mort n’est pas nommée, c’est un tabou. « Sauf que les résidents qui ne voient plus un voisin de table depuis quelques jours ne sont pas dupes, ils devinent qu’il se passe quelque chose. Si on leur avait dit qu’il était mourant, ils auraient peut-être aimé aller lui rendre visite et, une fois décédé, se recueillir auprès de lui. Au lieu de cela, on met juste la photo du défunt dans un coin. C’est pareil avec les proches : un résident qui décède est placé sur un lit réfrigéré en attendant que les pompes funèbres viennent le chercher. La plupart du temps, il n’y a ni lieu de recueillement multiconfessionnel, ni espace de paroles. L’institution s’occupe de l’organisation matérielle, de l’heure des repas, de la propreté, des budgets, de mettre des fleurs sur les tables… mais passe sous silence les questions majeures sur la fin de vie. » Chaque année, un EHPAD recense environ trente décès. Pour l’anthropologue, « être capable d’accepter de parler de la mort permettrait de défendre de façon plus joyeuse et ouverte que cette réalité-là existe bel et bien, mais que l’on peut continuer à vivre quand même. »

Actualités sociales hebdomadaires, 2 novembre 2017.