La maison de retraite, un lieu pour romanciers
Société inclusive
Normalienne et agrégée de philosophie, Éliette Abécassis publie son dix-neuvième roman, Alyah. « Si j’écrivais sur la vieillesse, je dénoncerais le jeunisme. J’écrirais sur le fait que les vieilles personnes n’ont pas de place dans notre société. On cherche à les marginaliser, on ne les intègre pas. Cela me choque énormément. Dans beaucoup de sociétés traditionnelles, notamment dans la tradition juive, ce sont les anciens qui détiennent la sagesse, ils ont un rôle prépondérant. Aujourd’hui on les rejette, on ne veut pas les voir. » En philosophie, « on en revient toujours à Socrate dont on a dit qu’il corrompait la jeunesse et à qui on a fait boire la cigüe pour qu’il arrête d’enseigner aux jeunes. En fait, on a peur des vieux, depuis toujours, et on en a peur justement parce qu’ils sont détenteurs du secret de la vie. Cela me fascine en tant que romancière. » « Ce qui est poignant, c’est la génération des personnes de quatre-vingt-dix ans, la dernière génération des témoins directs de la Shoah, et elle est en train de disparaître. Quand je les vois, je me dis : “il faut les écouter, il faut retenir leurs paroles”. Chaque fois que je les rencontre, j’écris leurs paroles parce qu’ils sont détenteurs d’un secret auquel on n’aura plus jamais accès. » « Observer toutes ces personnes qui cohabitent au sein d’une maison de retraite, c’est très fort, très émouvant. » Éliette Abécassis aimerait un jour passer un peu plus de temps avec ces personnes, pour prendre note de tout ce qu’elles disent, et raconter « la grande Histoire avec les “petites histoires”. Comment imagine-t-elle le lieu de vie idéal pour les personnes âgées qui perdent leur autonomie ? Ce serait « un lieu de vie et non de mort. Un lieu où la culture est très présente, avec beaucoup de gens, d’artistes, de spectacles qui viennent jusqu’aux résidents. Un lieu d’échange avec beaucoup d’activités. Les activités culturelles, c’est fondamental. La culture, les livres, l’art, c’est ce qui permet de donner du sens à la vie. »
Le Mensuel des maisons de retraite, mai 2015. Abécassis E. Alyah. 13 mai 2015. Paris : Albin Michel. 256 p. ISBN : 978-2-2263-1814-5.