La maison de retraite idéale : quelle représentation du chez-soi ?
Acteurs de l'écosystème Alzheimer
« Entrer en établissement de soins de longue durée », écrit Véronique Lefebvre des Noëttes, psychiatre du sujet âgé au centre hospitalier Émile-Roux de Limeil-Brévannes (Val-de-Marne), « c’est s’inscrire dans l’imaginaire collectif dans un lieu réservé aux vieux et aux vieux pauvres, certes un lieu d’hospitalité mais quand toutes les autres solutions ont été épuisées, un lieu de vie entre parenthèses, un lieu de fin de vie, jamais évoquée puisqu’on dit “soins de longue durée.” » Quand les troubles psycho-comportementaux de la maladie d’Alzheimer ou la grande dépendance pour les activités de la vie quotidienne imposent une entrée en institution, il est fréquent d’observer une opposition active (cris, chutes, fugues) et passive (syndrome de glissement), alimentées à la fois par le déni (qui touche aussi les familles) et l’anosognosie (incapacité pour la personne malade de reconnaître la maladie ou la perte de capacité fonctionnelle dont elle est atteinte). La psychiatre a demandé à vingt-cinq personnes de dessiner leur maison actuelle et la maison de retraite idéale. « Tous ont consenti librement et de façon éclairée avec enthousiasme », témoigne-t-elle. La médiation du dessin libère la parole des patients, « très prolixes sur les explications de leurs maisons nous guidant dans leurs errances, alors que les dessins étaient en regard bien vides et morcelés. Que décrivent les personnes malades au moyen de leurs dessins ? « De la verdure, des fleurs, des petites chambres à deux » ; « le Père-Lachaise » ; « le vide, la mort, il n’y a rien à dessiner » ; « une chambre à moi avec des placards pour ranger mes secrets » ; « c’est celle de mes parents, je suis devant, elle est petite ». Pour la psychiatre, « parce que la maison est une métaphore du soi et du chez-soi, comme une porte ouverte sur soi, et qu’avec l’évolution inéluctable de la maladie d’Alzheimer la question du maintien à domicile ou de l’entrée en institution se posera, il nous semble important de s’appuyer sur la présomption de capacités préservées chez ces patients au moi délité mais encore bruissant de vie. Le médium relationnel du dessin est très facile à mettre en œuvre et support d’ouverture d’une parole qui peut encore dire ses choix. »
Lefebvre des Noëttes V. À la quête du chez-soi : quand la démence s’emmêle ! Le dessin de la maison. Neurologie Psychiatrie Gériatrie 2013 ; 13 : 193-201. Août 2013. www.sciencedirect.com/science/article/pii/S1627483013000317.