« La fin d’une vie à deux »
Société inclusive
« Au début on continuait notre vie », témoigne Marie, dont l’époux est atteint de la maladie d’Alzheimer depuis huit ans. « On sortait, on allait au ciné, on partait en vacances, même si le lendemain il pouvait oublier ce qu’on avait fait. Il a vu des orthophonistes, il allait à l’atelier mémoire et en accueil de jour. Je pense que ça a un peu retardé la maladie. Ce qu’on ne nous dit pas c’est que tout n’est pas pris en charge, les aides à domiciles par exemple, alors qu’elles sont essentielles. Il faut tout gérer : la maison, les papiers, son mari… En 2013 la maladie a pris plus de place. Un soir, je lui ai dit d’aller se coucher. Il m’a répondu qu’il fallait qu’il prenne ses clefs de voiture pour rentrer chez ses parents. Quand je lui ai dit qu’ils étaient décédés il m’a répondu : « Certainement pas ! » Je me suis retrouvée à cacher les clefs. L’été 2014 a été le pire. Il se levait la nuit en voulant partir. Parfois, pour ne pas m’énerver et l’énerver, je m’enfermais dans une autre pièce. J’ai eu de la chance qu’il reste toujours calme. À la fin de l’été, il est entré en maison de retraite. Je culpabilisais. Mais mes enfants m’ont dit que c’était moi ou lui. C’était vrai moralement, physiquement et financièrement. » Et depuis ? « Il y a un peu de soulagement, mais vous vous dites que c’est la fin. La fin d’une vie à deux. J’essaye d’aller le voir tous les après-midi. Il n’arrive plus vraiment à parler, même si parfois il sort une phrase de nulle part. Il regarde la télé et tourne les pages des magazines. Il n’a pas l’air malheureux. Quand moi ou mes enfants venons, il nous touche, contrairement au personnel soignant. Je pense qu’il sait qu’on est de sa famille. On vous dit de faire votre deuil. Mais comment le faire quand la personne est là ? Je l’aime toujours, même si avec la maladie j’ai parfois envie de le secouer. »