La bulle et les chaussures de l’aidant
Société inclusive
Sur les réseaux sociaux, une aidante évoque la bulle dans laquelle la confine la maladie d’Alzheimer, qui s’est invitée dans sa vie : « Je revois ces soirs où je me sentais seule, je ne parle pas beaucoup et à qui en parler? Vont-ils comprendre ? On voit de moins en moins de monde. C’est un invité, pas la peste ! Puis quand on en parle, les personnes sont gênées, elle ne savent pas quoi dire, on a juste l’impression de faire de la peine. Ce n’est pas ce que je recherchais. L’éloignement s’installe, moins de visites, on n’est plus utile, on n’est plus disponible, on s’en rend compte, on dit rien, on observe. Tout en continuant notre combat en silence. Puis les réseaux sociaux m’ont permis de connaître des personnes. Des personnes comme moi, avec les mêmes chaussures, celle d’aidant. Des personnes formidables, que je n’aurais jamais connues si je n’avais pas ces chaussures. On partage tout, pas que notre vie d’aidant, nos joies, nos peines, nos projets, nos pensées, nos sentiments, nos réconforts, nos soutiens. Des amis, des amis virtuels, mais de vrais amis. Alors oui, peut être que je suis dans ma bulle. Dans cette bulle que l’invité a formée autour de moi. Mais cette bulle aujourd’hui m’a permis de survoler et d’ouvrir les yeux. De voir la vraie personnalité de ce monde qui m’entourait, avant que je porte mes chaussures d’aidant. C’est triste de voir la vérité, quand une épreuve, un combat, un accident, une perte s’introduit dans votre vie. Alors oui, je suis dans ma bulle, celle où je suis ce que je suis, aidante, une fille qui tient les mains de sa maman, une fille qui n’a pas changé son regard envers sa maman, une fille qui continue de faire vivre cet amour. Celle qui m’a permis de voir en survolant ce que j’avais perdu et gagné. Celle où je suis avec l’invité et maman, celle où j’ai mes moments de complicité avec maman. Celle où on a nos parties de fou rire à nous, celle aussi où on a nos moments de lutte contre l’invité avec douceur. Celle où maman garde sa dignité, celle qui m’a appris la patience, fait découvrir que le langage d’une caresse, d’un bisou, d’un câlin, d’un regard pouvait remplacer les mots. Celle qui m’a permis de rencontrer beaucoup de personnes virtuelles au grand cœur. Effectivement, je suis dans ma bulle, mais je ne suis pas devenue sauvage pour autant. Car cette bulle a une porte de sortie, que j’ouvre peu souvent pour m’aérer. Ce n’est pas moi qui me suis coupée du monde, mais c’est le monde qui s’est coupé petit à petit de nous. Sûrement la réponse à cette bulle qui nous enveloppe. »