Jeux sérieux : savoir perdre pour apprendre
Innovation
Pour Enda Finn et ses collègues, de l’Université de sciences appliquées de Satakunta (Finlande) et de l’Institut de technologie Dundalk (Irlande), qui testent des jeux sérieux en accueil de jour et en maison de retraite, auprès de personnes atteintes de troubles cognitifs, « « la participation des personnes à des jeux interactifs s’appuyant sur des technologies modernes souligne leur capacité d’apprentissage, même si dans le cas de démence sévère, ce qui est appris n’est pas retenu et doit donc être réappris. Mais il ne faut pas parler que de la mémoire : l’un des effets les plus positifs de l’interaction avec le jeu est la participation, même si elle n’est que temporaire, avec le bénéfice d’une implication cognitive, physique et même émotionnelle. Un autre point clé est que, depuis le premier diagnostic de démence, on n’a parlé à la personne malade que de mesures de déclin de sa mémoire ou de ses capacités. Elle sait déjà que quelque chose ne va pas, peut avoir le sentiment de régresser et aura tendance à refuser toute nouvelle tentative de mesure qui ne ferait que renforcer ce qu’elle craint pour elle-même. Il peut donc être potentiellement très motivant de vivre une expérience à travers un jeu ou avoir le sentiment d’un certain degré d’amélioration. La conception de jeux, particulièrement pour des utilisateurs âgés ayant moins d’appétence pour la technologie, est difficile. Les jeux doivent apporter une expérience positive et renforçatrice dès le début. Souvent, la conception des jeux expose les déficits à travers le niveau de jeu ou la capacité du joueur. Inversement, la logique « gagner ou perdre » peut être orientée en présentant le fait de perdre comme un moyen d’apprendre comment être plus intelligent que son adversaire virtuel. » Par exemple, dans un jeu du chat et de la souris, il s’agit de faire bouger la souris rapidement et avec adresse pour prendre autant de fromage que possible avant que le chat ne vienne vous attraper. Pour les chercheurs, « prendre le contrepied de la conception traditionnelle du jeu reflète la dichotomie entre le “modèle médical” et le “modèle social” de la prise en soin. Le modèle médical se focalise sur la démence en tant que maladie, avec des effets négatifs inévitables de déclin et de perte de fonction ou de capacité, alors que le modèle social considère le long terme moins en termes de perte qu’en termes de maintien et de soutien à la capacité des personnes, en utilisant ce qu’elles sont encore capables de faire, de la manière la plus participative et la plus stimulante. La mécanique du jeu doit apporter une expérience plus positive et une récompense (“je peux le faire “) pour encourager la personne malade à participer. En bref, moins de test et plus d’amusement. » Mais le jeu doit s’adapter à la culture et à l’identité des joueurs : en Finlande, les personnes malades hébergées en maison de retraite préfèrent le jeu du chat et de la souris, qui les amuse davantage qu’un jeu de construction assimilé à du « travail ». C’est l’inverse en Irlande, les personnes malades venant à l’accueil de jour Alzheimer préfèrent le jeu de construction, où la récompense vient de difficultés à surmonter : jouer au chat et à la souris les infantilise, estiment-elles.
Finn E et al. Cognitive mobile games for memory impaired adults: An Irish comparative case study. In Sirkka A (coord.) Arts, Games and Sensors Harnessed to Enhance Well-being. Satakunta University of Applied Sciences. Mars 2015. p 21.
www.theseus.fi/bitstream/handle/10024/89158/2015_D_3_SAMK_Art_Games_and_Sensors_low.pdf?sequence=7 (texte intégral).