« Je n’ai plus les mots »

Société inclusive

Date de rédaction :
11 septembre 2013

Guy, ingénieur en télécommunications, âgé de soixante-huit ans, participe à la cohorte nationale Memento [mesure 27 du plan Alzheimer], dont l’objectif est de suivre deux mille trois cents patients recrutés dans les centres mémoires de ressources et de recherche (CMRR) français, centres régionaux experts en clinique et en recherche sur les troubles cognitifs. Ces patients seront suivis plusieurs années, les chercheurs recueillant des données cliniques, biologiques, psychologiques, sociologiques et d’imagerie cérébrale. Il constate « ne plus avoir la rapidité et la mémoire d’avant. » Deux ou trois ans après le début des symptômes, il a voulu savoir : « je n’avais pas l’angoisse de la maladie d’Alzheimer car, l’avoir ou pas, cela ne changeait pas grand-chose. Mais c’est évident, si on m’avait diagnostiqué, cela m’aurait atteint. » « Être suivi, cela lève l’angoisse », ajoute-t-il. Christian, architecte âgé de soixante-dix-neuf ans, vit depuis trois ans dans l’incertitude que la maladie se développe. « On fait comme si tout cela n’existait pas pour éviter de se faire peur », même si on y pense « quand même un peu », dit-il.  Il n’a pas caché les troubles à ses amis : « j’avais peur que cela nous mette sur la touche sur le plan social, mais pas du tout. Parfois, ils m’aident naturellement, disent les choses pour moi ». Il regrette de ne plus pouvoir s’engager dans des conversations complexes, notamment politiques. « Je n’ai plus les mots. Ce n’est pas l’intelligence qui est partie, mais la façon de l’exprimer. Je ne suis pas d’un naturel à attendre des catastrophes. Et puis, c’est comme ça, on ne peut rien y faire. » « Des mots qu’on ne trouve plus, un rendez-vous oublié : dans les centres de la mémoire des hôpitaux, on voit de plus en plus de patients venir consulter », écrit Laëtitia Clavreul, du Monde. Florence Pasquier, professeur de neurologie au CHRU de Lille, se veut rassurante : en général, les symptômes sont bénins, et le diagnostic de la maladie d’Alzheimer n’est pas posé. Selon elle, « le pire, c’est d’être dans l’incertitude. »