« Je lui en veux d’être malade »

Société inclusive

Date de rédaction :
03 mars 2017

À Romorantin-Lanthenay (Loir-et-Cher), à l’accueil de jour des Mésanges de France Alzheimer 41, « la parole s’envole pour libérer un peu les aidants », écrit Laurence Texier, de La Nouvelle République. Les émotions peuvent être violentes, « mais c’est bien de les exprimer », explique Audrey Riou, la psychologue du groupe, qui reçoit plusieurs nouveaux venus. Elle utilise un jeu de cartes pour faciliter la discussion. « Sans l’ombre d’une hésitation, c’est la carte rouge de la “colère” que Bénédicte sort de son jeu. Une émotion sur papier, car “ce n’est pas toujours facile d’exprimer ce que l’on ressent” ». « Je suis bouleversée par le récit de Madame », explique-t-elle alors que sa voisine, les yeux rougis, essaie à son tour de poser les mots sur ce qui se bouscule dans sa tête et son cœur. « C’est tout à la fois, parce que je lui en veux d’être malade », finit par lâcher Véronique, en référence à son mari atteint de la maladie d’Alzheimer. La carte jaune de la joie permet de manifester « le plaisir d’être ensemble ». Un plaisir entrecoupé d’émotions fortes, de pleurs, de rires, de conseils, mais aussi de culpabilité et de peur, sentiments mêlés et parfois violents, avouent à demi-mots quelques participants. Ainsi, un octogénaire, nouveau venu du groupe de parole, se dit « découragé. Ça soulage, parce que, même à différents degrés, on est tous dans le même bateau ». Et de raconter cette fois où, arrivé devant son épouse, il s’est entendu dire : « J’attends mon mari ». « Mais c’est moi ton mari », lui a alors répondu Gustave, impuissant face à cette maladie dont il ne détient pas les tenants et les aboutissants. « Mes amis veulent être très proches mais moi je peux plus, je ne suis plus dans le même monde qu’eux », lance à son tour Véronique. Dans la petite salle, les expériences se répondent les unes les autres. « A un moment, vous vous demanderez quelle place vous voulez donner aux autres, mais pour l’instant vous n’en êtes pas là, vous êtes dans l’après choc », tente de la rassurer Audrey Riou de sa voix posée. « Je pense que beaucoup d’entre vous avancent à tâtons, avec la peur de l’avenir, le besoin d’évacuer, de soutien », résume la psychologue face à la tablée encore un peu secouée, mais aussi apaisée d’avoir partagé un peu de son quotidien chamboulé par la maladie. « Peut-être un premier pas vers un avenir un peu plus serein », conclut la journaliste.