Japon : maltraitance sans frontières (2)

Acteurs de l'écosystème Alzheimer

Date de rédaction :
23 mai 2015

908 yens (6.50 euros): c’est la somme qui restait sur le compte bancaire d’une femme de quatre-vingt-dix ans résidant dans le  département de Fukuoka (île de Kyushu) : « ne retirez pas tout et laissez-moi un peu d’argent »  avait-elle écrit, en 2012, sur son carnet bancaire (livret utilisé au Japon pour procéder à des opérations de retrait ou de dépôt). Cette femme atteinte de démence vit désormais dans un centre de soins de longue durée. Elle ne se souvient plus très bien de la période qui a précédé son placement en institution.  Par contre, quand elle voit la personne sous la tutelle de qui elle a été placée, elle lui demande immédiatement : « Est-ce que mes économies augmentent ? » Quand elle vivait seule dans son appartement, son gendre lui rendait visite, le 15 de chaque mois pair, pour lui soustraire sa pension de retraite qui était versée ce jour-là. Sa retraite était environ 300 000 yens (2 100 euros) par mois, grâce à la réversion de la pension de retraite de son mari décédé. Le gendre l’accompagnait à la Poste pour procéder au retrait de sa pension, conservant l’essentiel de la somme perçue et lui laissant tout juste de quoi payer le loyer de son appartement et de s’offrir un bento chaque jour (petit plateau repas, souvent vendu dans les lieux publics et chez des traiteurs, d’usage très courant au Japon). En 2012, alerté sur les conditions de vie de cette femme, le service social de la commune a décidé de la placer sous tutelle et de la faire héberger dans le centre de soins où elle réside actuellement. Le jour de son hébergement, il lui restait 908 yens sur son compte en banque. Tout avait commencé une dizaine d’années auparavant : son gendre avait décidé de se lancer dans les affaires, sa belle-mère acceptant d’être son garant. L’entreprise de son gendre ayant fait faillite, elle avait dû vendre sa maison. Son gendre ayant été blessé dans un accident, il avait cessé de travailler et vivait uniquement grâce à la pension de sa belle-mère. Depuis qu’elle est hébergée dans ce centre de soins, son gendre n’a plus donné signe de vie.

Asahi Shinbun, 18 avril 2015. Veille en japonais et traduction française de Kyoko Siegel.