“J’aimerais encore agir, sentir et penser comme si j’étais encore le portier de ma propre vie »
Société inclusive
Richard Taylor écrit : « je pense que chacun d’entre nous vit dans une boîte qu’il construit lui-même. Formée par les expériences de la petite enfance, elle a au moins quatre murs (selon la complexité de chacun) et une porte ouverte vers l’extérieur. Nous pouvons sortir, et nous pouvons faire entrer les autres. Cela ressemble à une porte-tourniquet (revolving door), ouverte à certains, fermée à d’autres. J’ai maintenant près de soixante-dix ans, et ma porte est devenue plus lente à s’ouvrir et à se fermer. Je la garde entrebâillée la plupart du temps. Mais voilà les symptômes de la démence qui déboulent dans ma vie. Comment la porte va-t-elle répondre ? Elle reste entrebâillée, et de plus en plus difficile à ouvrir ou fermer à mon gré. Mais j’ai besoin de la maintenir ouverte, pour que d’autres puissent venir et me rendre capable (enable me), me connaître, me manifester de l’empathie d’une manière que je n’avais pas encore encouragée ou appelée. Parfois, il me semble que la porte ne répond plus. Lorsque d’autres font irruption et prennent des décisions pour moi. J’avais pensé qu’elle était juste entrebâillée, alors que d’autres agissent parfois comme si elle était grande ouverte. J’ai besoin de laisser entrer les autres plus souvent et plus longtemps, c’est maintenant un besoin essentiel pour maximiser la qualité de ma vie, et la réussite de mon (mes) objectif(s). Bien sûr, cela est plus vite dit que fait. D’autres, qui étaient à l’aise lorsque ma porte s’ouvrait davantage, sont maintenant perplexes : « dois-je pousser plus fort ? Dois-je seulement répondre à ses besoins et débouler ? Dois-je même franchir cette porte ? Je le ferai juste pour lui ». Quant à moi, j’aimerais encore agir, sentir et penser comme si j’étais encore le portier de ma propre vie. Les situations ambigües m’ont toujours posé problème : elles me donnent l’impression que je maîtrise toujours mon propre espace et ma vie, que je fais semblant de ne pas m’en faire, alors que ce n’est pas vrai, que je donne et que je reçois des autres et aux autres. Cette situation est difficile à vivre, pour moi et pour ceux qui viennent. Cette maudite porte a des charnières rouillées, et de temps en temps le Dr Alzheimer la bloque avec son pied et contrôle jusqu’où et à quelle vitesse elle va s’ouvrir et se fermer. Ma famille, mes amis et moi devons décider comment faire au mieux avec ce problème de porte. Jusqu’à présent, nous avons réussi à moins de 100%, mais nous essayons encore et encore, en discutant de ce qui arrive ».
Taylor R. Alzheimer from the inside out. Juillet 2012. www.richardtaylorphd.com/blog.