Interdiction des dons et legs aux professionnels du domicile : une loi liberticide ?

Acteurs de l'écosystème Alzheimer

Date de rédaction :
23 mai 2015

L’article 23 du projet de loi relatif à l’adaptation de la société au vieillissement, en cours d’examen en seconde lecture au Palais-Bourbon, interdit à toute personne se faisant aider à domicile de faire une donation ou un legs au salarié ou au bénévole aidant. Sont ainsi concernées, d’un côté les personnes handicapées ou âgées ayant besoin d’une assistance pour la vie quotidienne, de l’autre, les auxiliaires de vie et autres employés de maison, même non rémunérés. Ce nouvel interdit s’imposera ainsi à toute personne dite « dépendante », même si sa santé mentale n’est en rien diminuée. « La seule manière forte restant aux personnes dépendantes disposant de quelques biens pour manifester leur reconnaissance ou leur affection est souvent de donner de leur vivant ou à leur mort. Au nom de quelle valeur supérieure le leur interdirait-on ? » interroge Diégo Pollet, docteur d’État en droit et avocat à la Cour. « En vérité, la valeur formant ressort caché de la loi future est la protection des héritiers présomptifs. Elle traduit un retour spectaculaire à une époque révolue où le patrimoine familial retenait beaucoup plus l’attention que les libertés individuelles. Après tout, donner le pas à la famille sur l’individu correspond à un choix qui pouvait se débattre ; mais il aurait convenu que la représentation nationale en discute ouvertement, et non sous le maquillage de la protection de personnes présumées fragiles. Or, l’article 23 en cause n’a donné lieu à aucun débat sur ce terrain. Cette discussion s’imposait d’autant plus que, en assimilant la généralité des personnes handicapées ou âgées à des sujets mentalement faibles, ce texte est discriminatoire. Il est aussi mensonger en s’appuyant sur une équivalence évidemment fausse médicalement. Il pousse la logique jusqu’à interdire ce que même des personnes en curatelle, et aussi en tutelle sous certaines conditions, sont en droit de faire aujourd’hui. Certes, il convient de protéger de la maltraitance financière les personnes authentiquement fragiles, et sans doute aussi leurs héritiers possibles. Mais notre droit est déjà équipé pour ce faire (droit des successions, action en annulation pour insanité d’esprit, période suspecte de deux ans précédant le prononcé d’une tutelle ou d’une curatelle, action en abus de faiblesse). Ce droit-là pouvait toujours être renforcé au besoin, pour protéger plus sans déshumaniser. » Pour Diégo Pollet, « il est regrettable que l’adaptation législative bienvenue de la société au vieillissement soit ainsi ternie par cet article 23 qui stigmatise les personnes handicapées ou âgées et écorne un peu plus l’image de la France pays des libertés. Sa constitutionnalité devra être interrogée. »

www.agevillagepro.com, 22 mai 2015. Pollet D. Une loi liberticide et discriminante pour les personnes dépendantes. Actualité juridique famille 2015, mai 2015.

http://framework.agevillage.com/documents/pdfs/legs_autonomie.pdf (texte intégral).