Gagatorium, de Christie Ravenne (2)
Société inclusive
Avec deux « anges gardiens », juristes d’associations de consommateurs, Christie Ravenne démonte le système, point par point : « J’envoyais des lettres avec accusé de réception, et je mettais tout le monde en copie, les élus locaux, les conseils de quartier, le syndicat des copropriétaires… car tous devaient savoir », explique-t-elle. Pendant des années, Christie Ravenne se débat dans l’indifférence générale. Elle ne voit pas de solutions car elle n’arrive pas à vendre ses appartements. La directrice orientant toujours les acheteurs potentiels vers la SCI (société civile immobilière) principale. Son salut viendra, selon elle, d’une phrase lâchée en clôture d’un énième courrier : « Si vous m’aidiez à partir, au moins vous feriez deux heureuses, vous et moi ». La semaine suivante, les deux appartements étaient vendus. Aujourd’hui, Christie Ravenne loue un deux-pièces avec un ascenseur et une douche. Elle va au marché avec son déambulateur et se réjouit de pouvoir profiter de ses petits-enfants. Âgée de quatre-vingts ans, elle se dit fatiguée et « impotente ». « J’ai laissé beaucoup de plumes dans cette histoire mais je suis vivante. Si je me bats c’est parce que les conséquences sont dramatiques. Beaucoup en meurent. Je voudrais que l’État se remue, légifère, contrôle et punisse ceux qui agissent dans l’illégalité. Même si l’activité appartient au secteur privé ». Celle qui fut professeur dans une université américaine décrit « les “petites vieilles” atteintes d’Alzheimer qui erraient dans les couloirs car elles ne retrouvaient plus leur appartement, celles que personne ne voulait changer avant la venue de l’infirmière le soir et qui croupissaient dans leurs odeurs, celles qui se laissaient mourir en ne mangeant plus, celles qui sortaient de leur appartement sur un brancard… « Je sais que je vais donner des cauchemars à certains, mais il y en a assez de fermer les yeux sur la fin de vie que l’on offre aux gens dans ces résidences bling-bling, qui plument la santé et l’argent des personnes âgées. Aux Pays-Bas par exemple, ce genre de résidence est contrôlé par des services indépendants. En France, il faut réagir. J’en suis sortie, mais je refuse de me taire, et tant pis pour ceux que je dérange.”
Ravenne C. Gagatorium. Quatre ans dans un mouroir doré. Paris : Fayard. 10 avril 2013. ISBN: 978-2-2136-7229-8. 88 p. www.fayard.fr/livre/fayard-476646-Gagatorium-hachette.html. www.agevillagpro.com, 15 avril 2013.