Floride, de Philippe Le Guay (3)

Société inclusive

Date de rédaction :
08 juillet 2015

Le scénariste et réalisateur Philippe Le Guay adapte pour la première fois une œuvre préexistante. « J’ai été immédiatement séduit par l’originalité de la construction. La pièce s’ouvre sur un père et sa fille qui dialoguent sur la scène pendant une quinzaine de minutes, dans une atmosphère de comédie assez légère. Il y a un noir, on passe à la scène suivante, et on retrouve le même personnage du père avec sa fille… mais cette fois elle est jouée par une autre comédienne. On se demande alors si la première actrice était sa fille ou pas, on éprouve un doute sur la réalité du personnage qu’on vient de voir. On est dans la confusion, on hésite, et peu à peu on découvre que le héros de la pièce perd la mémoire ! Florian Zeller nous fait entrer dans la tête de son héros. Au théâtre, le point de vue est toujours celui du spectateur et là, Zeller réussit à adopter un point de vue subjectif… C’est un formidable tour de force théâtral. » Comment a-t-il eu l’idée de confier le rôle principal à Jean Rochefort ? « J’avais envie de le voir revenir au cinéma et de lui offrir un rôle à sa mesure, ou devrais-je dire à sa démesure. Ce rôle du « père » a quelque chose de shakespearien. Mais il y a aussi la possibilité de la fantaisie et de l’humour. Jean est un acteur total qui incarne ces deux facettes. » Le comédien ne s’est pas laissé facilement convaincre. « À sa première lecture du scénario, il nous a dit qu’il était “au bord du consentement”, mais il ne disait pas oui pour autant. Il a eu cette formule dont il a le secret : «Je vous propose de secouer le pot-au-feu ». Jean pensait que le traitement était dans une tonalité trop tendre et douce-amère. Contre toute attente, il nous a suggéré d’aller plus loin dans la violence du personnage. Jean a observé des personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer et il a vu à quel point la confusion mentale engendre une forme d’agressivité. Souvent, un acteur a tendance à protéger son image et à rendre son personnage plus attachant, plus “sympathique”. Au contraire, Jean nous a invités à assumer la violence par souci de vérité. » Sandrine Kiberlain, quant à elle, explique son rôle de fille : « elle a décidé d’aller jusqu’au bout du respect pour son père, ce qui lui coûte, bien entendu. Elle éprouve son propre chagrin, mais si elle devait exploser, ce ne serait pas devant son père : elle a une dignité et une pudeur qui la conduisent à ne pas lâcher prise devant lui. Elle sent bien qu’il est en perte de vitesse et elle ne veut pas l’accabler. Et elle le protège sans arrêt, quitte à prendre des coups. Elle lui sert donc de « punching-ball », elle l’assume et le vit sans trop de dégâts. Elle arrive à conserver son boulot, à s’occuper de son fils et à avoir une relation amoureuse, même si c’est difficile puisque son père cherche constamment à avoir une emprise sur elle. » Comment le public a-t-il accueilli le film ? Au 13 août 2015, au lendemain de la sortie, l’accueil en salle était jugé « décevant » pour cette comédie dramatique : vingt-et-un mille spectateurs sur trois cents salles. Destination Ciné regrette « la drôle d’idée du distributeur Gaumont de sortir ce film difficile un 12 août. »