Financement de la dépendance : quel système construire ? Janvier 2010
Droit des personnes malades
« Très vieille et très chère France » : Anne Chemin, du Monde, résume deux des termes du débat sur la dépendance. A la longévité des Français, liés à l’augmentation de l’espérance de vie, s’ajoutent les effets du baby-boom : les générations nombreuses de l’après-guerre, qui partent tout juste à la retraite, commenceront à atteindre le grand âge à la fin des années 2020. Les dépenses publiques consacrées à la dépendance en France atteignaient, fin 2008, 19 milliards d’euros, soit 1% du PIB, un niveau comparable au Royaume-Uni et à l’Allemagne, mais inférieur aux pays scandinaves. Pour Marie-Eve Joël, professeur d’économie à l’Université Paris-Dauphine, « la Suède, la Norvège et le Danemark ont opté pour des régimes de protection sociale de type beveridgien : la solidarité publique assure les gros risques, et donc la dépendance. La France, la Belgique et l’Allemagne ont un système de protection sociale centrée sur les actifs : les travailleurs sont bien assurés contre la maladie, la retraite ou le chômage, mais la couverture du risque dépendance, qui n’a pas de lien direct avec le travail, s’est mise en place plus laborieusement ». En Europe du Sud, la prise en charge traditionnelle de la dépendance par la famille recule à mesure que progresse le travail des femmes.
Comment assurer le financement de la dépendance en France ? En renforçant la solidarité publique ? En faisant appel au patrimoine, ce qui renvoie la décision de financement au sein de la famille, où les questions financières sont souvent taboues ? En faisant appel aux assurances privées, ce qui reporte sur l’individu la responsabilité de la prise en charge ? s’interroge Marie-Eve Joël. Le risque dépendance, qui fait souvent l’objet de déni, est difficile à anticiper pour les jeunes générations, ce qui pourrait amener l’Etat à mettre en place une assurance obligatoire, comme pour l’automobile. Quant aux solidarités familiales, en nature ou en espèces, elles resteraient encore très fortes, selon les sociologues. Les politiques publiques tentent donc de soutenir ces solidarités en développant « l’aide aux aidants ». La dépendance, et particulièrement la maladie d’Alzheimer, créent une situation familiale très compliquée, faisant intervenir de nombreux acteurs et mêlant des approches professionnelles différentes, d’où l’importance de former les aidants pour qu’ils puissent faire face à la situation, ajoute le Professeur Marie-Eve Joël.
Le Monde, 20 janvier 2010.