Faire entendre la voix des personnes malades
Société inclusive
Avant de se rendre compte qu’elle était atteinte de la maladie d’Alzheimer, « il a fallu du temps ». Lorsque le verdict tombe, Robert fait le choix de le cacher à son épouse. Durant trois ans, lui et sa fille – médecin qui a posé le diagnostic – savaient, mais ont volontairement préféré se taire. « Je crois que ce qui m’a retenu, c’est qu’un jour, ma femme m’a dit que si elle devenait gâteuse, elle se ferait sauter », lâche Robert dans les locaux de France Alzheimer Vaucluse, au Pontet. Sa femme Jacqueline, qui dirigeait une équipe de recherche au CNRS, trouve sa situation « inconfortable », mais ne se résigne pas, et veut continuer à vivre sa vie comme elle l’entend. Des ateliers de prise de parole, organisés par l’association, soulagent autant les personnes malades que leurs proches. Depuis vingt-sept ans, France Alzheimer Vaucluse veut être à l’écoute des désirs de la personne malade afin qu’elle reste actrice de sa vie. Ces initiatives sont l’exception alors qu’elles devraient être la norme », estime sa présidente Danielle Nahum. En 2011 est né le projet « Rencontres sans frontières » : un partenariat avec une association allemande partageant la même éthique : que la personne malade reste au centre de sa vie, évitant une mort sociale et une forme d’ « exil intérieur ». Les Allemands sont venus en 2012, les Français sont allés en Bavière en 2013, et des représentants du groupe ont rencontré la députée européenne François Grossetête, présidente de l’Alliance européenne Alzheimer à Bruxelles : « nous avions préparé notre prise de parole dans une démarche politique. » Depuis 2012, France Alzheimer Vaucluse a lancé des séminairesouverts aux personnes malades et à leurs partenaires.Cette action a été distinguée en 2014 par l’attribution d’un deuxième prix Initiatives locales de la Fondation Médéric Alzheimer. Au sein de ces groupes où la parole est libre, confidentielle, sans jugement, sont abordés différents thèmes concernant la maladie, mais pas seulement : « ça permet aussi de se ressourcer et d’affronter une vie loin d’être facile », témoigne la compagne d’une personne malade. « Il y a de l’écoute et ça redonne du ressort. On se sent compris et moins isolé. » Pour les personnes malades, c’est « une aide extraordinaire. On retrouve ici un esprit de famille. » Depuis deux ans, « les mots et les maux » ont été retranscrits et vont servir de matière à la parution d’un ouvrage, auquel sera associé un comité de lecture composé de juristes, scientifiques, sociologues et philosophes, pour « faire entendre la voix des personnes malades de l’intérieur. L’argent reçu de la Fondation servira pour la publication », précise Danielle Nahum.
www.laprovence.com, 5 janvier 2015. www.fondation-mederic-alzheimer.org/content/download/19117/85274/file/Prix_IL_et_FHF_2014.pdf, novembre 2014.