Faire avec les personnes malades, ou à leur place ?
Société inclusive
« Mettons-nous à leur place : il est extrêmement décourageant d’échouer dans tout ce que l’on entreprend. C’est souvent le cas pour les personnes atteintes, surtout en début de maladie : les « ratés » dans le fonctionnement quotidien s’accumulent et on perd progressivement le goût de faire les choses, expliquent Karin Rondia et Valentine Charlot dans leur brochure Un autre regard sur la maladie d’Alzheimer et les maladies apparentées, publiée par la Fondation Roi Baudouin (Belgique), et qui donne largement la parole aux personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer. « Si nous ne les voyons qu’à travers tout ce qu’elles ont perdu, nous adoptons inconsciemment, et souvent avec les meilleures intentions du monde, un comportement qui va renforcer leur sentiment de dévalorisation et leur dépendance. Notre manière de faire à leur place plutôt que de faire avec eux, de les considérer systématiquement comme incapables d’effectuer telle ou telle chose, va les convaincre progressivement qu’ils en sont bel et bien incapables… et freiner toute envie de s’y lancer ».
Que disent les personnes malades ? « Vieillir : on perd les jambes, les bras… le reste. Je perds une partie de moi-même qui est dans le cerveau (…). Je suis normal et conscient de ma maladie ; je surveille ce que je fais et donc je veux continuer comme ça. Je veux rester comme avant. Les malades, on se moque d’eux ; c’est pour ça que je ne veux pas qu’on sache que j’ai cette maladie », dit Jean. « C’est un choc les premières fois qu’on ne sait plus faire quelque chose : les lacets qu’on n’arrive plus à attacher, les boutons … Ou la lettre des impôts qu’on ne comprend pas bien, les erreurs de conduite en voiture, la première fois qu’on a perdu son chemin dans un endroit familier, … Ce sont des souvenirs qui se sont inscrits de manière traumatique dans ma mémoire défaillante, et qui me reviennent souvent à l’esprit », dit Pierre. Et Elisabeth : « C’est terrible de ne pas retrouver le chemin des toilettes dans sa propre maison ! Je sais qu’il faut prendre l’escalier, mais je demande toujours : est-ce que je dois monter ou descendre ? »
www.kbs-frb.be, 24 février 2010. Fondation Roi Baudouin. Rondia K et Charlot V. Un autre regard sur la maladie d’Alzheimer et les maladies apparentées. Février 2010.