Facteurs d’isolement
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« La solitude peut être recherchée par le sujet âgé, en particulier lorsqu’il vit en institution, au milieu d’autres a priori non choisis, ce qui peut passer par des conduites d’isolement », écrit Jean-Marc Talpin, professeur de psychopathologie et psychologie clinique à l’Université Lumière-Lyon 2. « Mais l’isolement peut aussi être associé à des facteurs sociaux, institutionnels, familiaux, relationnels, cognitifs et psychiques, ainsi que d’autres qui relèvent des difficultés motrices ou sensorielles, ces deux aspects ayant au demeurant de fortes incidences psychiques. » Les problèmes moteurs de déplacement, de préhension conduisent le sujet à faire l’expérience de la perte de pouvoir sur lui-même, sur son propre corps, éventuellement sur les autres, avec éventuellement une blessure narcissique. Il dépend fondamentalement des autres. « Ceci comporte des risques d’isolement à deux égards : soit parce que la famille ou les professionnels ne déplacent pas le sujet selon ses désirs, le laissant dans un coin pour de longues durées ; soit parce que le sujet lui-même préfère s’isoler, en particulier du fait de sentiments de honte causés par sa dépendance ou de difficultés de communication. » Les difficultés sensorielles peuvent aussi conduire à un isolement important : d’une part en raison de la baisse, voire de la disparition des perceptions, qui conduit à un sentiment d’insécurité et à un isolement relationnel ; d’autre part en raison d’une interprétation de persécution : la difficulté de perception est attribuée à une intention malveillante des autres (pourquoi font-ils exprès de parler bas ?), ou à des angoisses archaïques, l’environnement devenant porteur de menaces que le sujet ne peut plus voir ou entendre venir. » En cherchant ou en appelant sans cesse le retour d’objets disparus, dont elles attendent le retour, les personnes atteintes de trouble cognitif « font exister l’objet perdu sur le mode perceptif ». Chez l’enfant, c’est le retour régulier de l’objet après une absence pas trop longue qui lui permet de se construire et de renforcer sa représentation de l’objet. Chez les personnes atteintes de démence, l’objet n’est plus permanent, ce qui génère de l’angoisse. Le simple retour régulier d’un aidant peut rassurer la personne : elle ne fait alors pas « l’expérience d’une solitude dans laquelle être, en faisant l’expérience de la partie la plus authentique de soi, mais au contraire l’expérience d’une solitude faite de vide, d’absence, d’abandon, de déréliction. »
Talpin JM. Être seul : avec ou sans autre(s) ? Gérontologie et société 2016 ; 38(149) : 79-90. Juin 2016. www.cairn.info/revue-gerontologie-et-societe-2016-1-page-79.htm.