Fabienne ne baisse pas les bras
Acteurs de l'écosystème Alzheimer
Fabienne Piel, auteur du livre « J’ai peur d’oublier », a appris à l’âge de quarante-deux ans qu’elle était atteinte de la maladie d’Alzheimer. A l’occasion de l’ouverture de la conférence internationale de Paris sur la maladie d’Alzheimer (ICAD 2011), Marie Quenet, du Journal du dimanche, lui donne la parole. « Ce n’est pas la peine de faire des projets. Dans sept ou huit ans, c’est fini, je serai placée », se disait Fabienne en 2002. Avec le recul, pourtant, ce diagnostic précoce lui semble bénéfique : « il vaut mieux savoir que rester dans le doute. Avant, j’avais l’impression de devenir folle. Mettre un nom sur la maladie m’a permis de me battre ». Patrick, son mari, estime quant à lui que « c’est bien de diagnostiquer tôt la maladie, mais il faut prendre des mesures d’accompagnement, que ce soit au niveau de l’emploi ou pour les enfants ». Ils ont dû se battre pendant deux ans pour que Fabienne touche l’allocation aux adultes handicapés (trois cent soixante-dix euros) et une pension d’invalidité (trois cent quarante-huit euros). Ils ont mis du temps à trouver un psychiatre pour leur fille cadette, qui avait quatorze ans au moment du diagnostic : « elle refusait la maladie, elle a fait une tentative de suicide, une fugue, pris de la drogue… ». Fabienne a créé une association, La Vie sans oubli, pour faire entendre la voix des personnes jeunes atteintes de la maladie d’Alzheimer. Elle n’a pas de la maladie une image de déchéance : « avant d’en arriver là, cette maladie incurable est un handicap invisible », et elle tente de savourer les plaisirs du moment : peinture, moto, balade à dos d’âne. « Quand je m’attache à réaliser quelque chose, je vais mettre deux fois plus de temps et d’énergie qu’une personne normale. Mais le jour où je baisserai vraiment les bras, la maladie passera par-dessus et m’envahira complètement ». Elle prend ses médicaments en se demandant si c’est utile. Elle a essayé en vain d’intégrer des essais thérapeutiques : « ou je suis trop jeune, ou pas assez malade ». Elle va chez le psychiatre et l’orthophoniste : « je ne sais pas si cela m’aide, mais si j’arrête, cela sera peut-être pire », dit-elle. La fin ? « Je crois qu’on est toujours conscient. Sinon, pourquoi verrait-on des malades pleurer, être dépressifs ? ». Fabienne ne veut pas finir en maison de retraite : elle préfère s’installer au Maroc, où quelqu’un pourrait l’aider en permanence. « Le jour où je ne pourrai plus rester chez moi, je préfère l’euthanasie », déclare-t-elle.
Le Journal du dimanche, 17 juillet 2011.