Etablissements de santé : les freins au décloisonnement

Droit des personnes malades

Date de rédaction :
01 janvier 2011

Frédéric Pierru, chargé de recherche à l’Institut de recherche interdisciplinaire en sciences sociales (UMR 7171) à l’Université Paris-Dauphine, pointe, dans les réformes en cours de la protection sociale, « des ambitions qui ne se donnent guère les moyens d’avoir prise sur la réalité, se concrétisant par des actes en contradiction avec les discours ». Selon lui, « l’hospitalo-centrisme, le tout-curatif, les cloisonnements multiples entre le social et le sanitaire, entre la médecine de ville, l’hôpital et le médico-social, la faiblesse des fonctions d’interface et de coordination, l’insuffisante capacité d’accueil des soins de suite et de réadaptation, entre autres, sont interpellés par la transition épidémiologique qui voit les maladies chroniques l’emporter sur les maladies aigües ». A l’hôpital, « la focalisation sur un seul outil de financement, la tarification à l’activité (T2A), est certes cohérente avec la volonté de caler le fonctionnement de l’hôpital sur le modèle de l’usine à soins curatifs et hautement techniques ; elle l’est beaucoup moins avec le souci d’une prise en charge de qualité des malades chroniques et des personnes âgées. En effet, en raison de la multidisciplinarité de leurs problèmes (médicaux certes, mais aussi familiaux, sociaux, psychologiques…) et de l’importance que revêtent l’écoute et le dialogue dans leur prise en charge, ces malades se plient assez mal aux impératifs de productivité qui repoussent aux marges de l’organisation hospitalière les missions d’éducation thérapeutique, de santé publique, de travail social ». Pour le sociologue, « les réformes inspirées par la rigueur budgétaire n’incitent pas les établissements de santé à se décloisonner, mais au contraire, à percevoir leur environnement sur le registre concurrentiel et à tenter de tirer leur épingle du jeu en attirant les patients rentables », ce qui tend accentue « le caractère conflictuel du système de santé français, dans lequel chaque acteur s’efforce de survivre aux dépens de ses concurrents directs ».

Pierru F. Quand dire la solidarité, ce n’est pas la faire. Neurologie Psychiatrie Gériatrie 2010 ; 10 : 237-242. Décembre 2010.