Est-on libre en maison de retraite ? (7)

Droit des personnes malades

Date de rédaction :
15 février 2013

Emmanuel Hirsch, directeur de l’Espace national de réflexion éthique sur la maladie d’Alzheimer (EREMA), écrit quant à lui que le rapport Delarue « a pour mérite d’oser une question provocante que l’on éludait jusqu’à présent. Il n’est en effet pas du tout inconvenant de se demander si les EHPAD ne devraient pas justifier de contrôles exercés par une autorité indépendante qui a fait preuve depuis sa création en 2007 d’un souci exigeant des valeurs de la démocratie. Cette proposition faite au Premier ministre en mai 2012 ne met pas en cause les professionnels qui assument souvent de manière exemplaire des missions si peu valorisées qui laissent habituellement indifférente la société. Je suis témoin de leur engagement sans faille auprès de personnes souvent affectées dans leurs facultés de discernement et donc d’exprimer une volonté libre, que l’on « place » en institution lorsque le maintien au domicile s’avère impossible. Un conjoint incapable d’assister plus longtemps celle ou celui qui a perdu toute autonomie, un espace de vie incompatible avec un suivi médicalisé, une situation de crise ou d’aggravation de l’état de santé : autant de ruptures qui contraignent à des décisions vécues douloureusement faute d’anticipations et bien souvent d’autres perspectives. Car l’entrée en institution se fait dans bien des cas dans l’urgence ou par défaut, lorsque les alternatives sont épuisées et qu’une « place » se libère enfin. Il s’agit rarement d’une décision volontaire, négociée, consentie, tant l’image de « l’institutionnalisation » semble révoquer ce à quoi la personne était jusqu’alors attachée : sa liberté, sa sphère privée, ses habitudes, ses préférences et plus encore un cadre de vie familier. En dépit de prévenances et de réassurances dès la visite de l’EHPAD et l’entretien d’accueil, la vision péjorative de ce “dernier lieu d’existence” s’impose comme une marque, une forme de stigmatisation et de relégation sociale ressentie comme une déchéance ». Pour Emmanuel Hirsch, « il conviendrait de soutenir ceux qui témoignent d’un sens de la solidarité et de la fraternité là où notre société considère parfois, avec tant d’outrance, qu’il est des existences grabataires indignes d’être vécues… C’est pourquoi je suis convaincu que l’initiative proposée dans le rapport annuel du contrôleur général des lieux de privation des libertés aurait une fonction de pédagogie sociale et de valorisation des avancées les plus remarquables ainsi situées au cœur des attentions de la cité ».