Est-on libre en maison de retraite ? (10)
Droit des personnes malades
Le sexologue André Dupras publie un long article dans le Nouvel Observateur à l’occasion de la nomination du film Henry, du réalisateur Yan England, pour l’Oscar du meilleur court-métrage. Pour le sexologue, « il est nécessaire de s’assurer du consentement des patients engagés dans une relation sexuelle. Dans une institution gériatrique, il arrive qu’un soignant découvre au petit matin deux résidents couchés dans le même lit. Généralement, la sécurité prédomine sur l’intimité parce que les soignants ont la responsabilité de protéger le malade qui leur est confié contre les risques d’abus. Des familles ont accusé des institutions de négligence ou d’échec à protéger leur parent contre les agressions sexuelles. Un processus d’évaluation de la capacité à consentir à une activité sexuelle devrait permettre de savoir si la personne atteinte de la maladie d’Alzheimer est capable d’exprimer ses désirs sexuels et d’envisager les bénéfices de les actualiser, d’être consciente de la nature, des conséquences et des risques possibles de la relation sexuelle, d’utiliser des moyens sécuritaires et d’éviter l’exploitation sexuelle en refusant des avances indésirables ». André Dupras poursuit : « la liberté de l’individu, autre principe éthique, entre en conflit avec celui de la sécurité. Or il est difficile pour un malade atteint d’Alzheimer de préserver sa liberté sexuelle, c’est-à-dire d’avoir la possibilité de s’engager dans une activité sexuelle sans contrainte, dans un milieu de vie fermé qui surveille constamment les résidents pour assurer leur protection. Un malade qui montre un intérêt sexuel risque d’être encore plus surveillé pour le contrôler, voire l’empêcher de passer à l’acte. En voulant protéger les résidents, l’institution peut augmenter leur dépendance. L’autonomie des résidents atteints de la maladie d’Alzheimer est un objectif difficile à réaliser. Au lieu de rendre le résident le plus autonome possible, des soignants exigent une soumission à leurs décisions concernant l’expression de la sexualité. Pour le sexologue, « le respect de son droit à la liberté sexuelle est aussi important que sa sécurité. Les professionnels doivent accompagner les résidents désireux d’avoir une vie sexuelle active en les aidant à exprimer leurs désirs, en favorisant des rencontres et des échanges intimes qui s’avèreront sécuritaires et discrets. Il importe d’assurer la plus grande protection possible au résident atteint de la maladie d’Alzheimer tout en respectant ses droits sexuels ».