Entretenir l’échange et se comprendre

Société inclusive

Date de rédaction :
13 juin 2015

Sur Rhône-Alpes-Santé, le magazine Internet régional consacré à la santé et au bien-être, Bernard Rombeaut, président de l’association France Alzheimer Rhône, et dont l’épouse est atteinte de la maladie d’Alzheimer depuis treize ans, témoigne : il a commencé à s’inquiéter en 2002. Elle avait alors soixante-quatre ans. « Elle s’est mise à perdre des mots. À l’époque, les centres de consultation mémoire étaient peu nombreux et difficiles d’accès. Nous avons vu des neuropsychologues, des gériatres… On a d’abord diagnostiqué une dépression et on m’a conseillé d’être plus présent. On nous a même dit que c’était la vieillesse ! Avec le recul, je pense avoir perdu trois ans dans le diagnostic. La situation empirant, j’ai pu par relation intégrer Marie-Madeleine à un processus de recherche mené au CHU de Lyon par le professeur Pierre Krolak-Salmon [responsable du centre mémoire, de ressources et de recherche des Hospices civils de Lyon]. Il nous a confirmé fin 2005 que c’était bien la maladie d’Alzheimer. Ce fut un soulagement, car je pouvais enfin mettre un nom sur la maladie, et étudier les moyens d’accompagner au mieux mon épouse. » Comment accepte-t-on de voir changer la personne aimée ? Bernard Rombeault manie la métaphore : « Alzheimer est une rivière sans retour ». « Ce n’est pas évident, mais les choses se font doucement. Ce sont surtout ceux qui ne vivent pas cela au quotidien qui sont choqués par le changement. J’ai toutefois eu deux années difficiles, en 2011 et 2012, lorsque Marie-Madeleine est devenue mutique et incontinente. Mais le fait de ne pas parler ne détruit pas tous les rapports, et un regard, un toucher, un sourire suffisent, le plus souvent, à entretenir l’échange et se comprendre. » Comment organise-t-il son quotidien ? « Il y a des similitudes avec la gestion d’un enfant en bas âge. Depuis 2009, ma femme va deux à trois jours par semaine en accueil de jour, tout près de chez nous. On vient la chercher, et on la ramène, mais je vais également la chercher pour la faire marcher. L’accueil de jour est un outil important : il vise à préserver le plus longtemps possible les capacités cognitives et le maintien du lien social chez mon épouse, tout en me donnant du temps libre. Le vendredi matin, elle est aussi aidée par une AVS (auxiliaire de vie sociale). Et chaque matin, une aide-soignante vient pour sa toilette, son petit-déjeuner, son habillage… Tout ce dispositif mis en place avec le plan Alzheimer 2008-2012, de la multiplication des consultations mémoire à celui des accueils de jour, n’était pas aussi développé auparavant. Il y a aujourd’hui une vraie prise en compte de la maladie et des accompagnants. Sans cela et cette possibilité de répit, je n’aurais pas pu tenir. C’est ce qui me permet de conserver ma femme chez moi et de continuer à vivre malgré les contraintes.»