Entrée en établissement : qu’en pensent les Français ?
Droit des personnes malades
Les entrées en établissement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) ont été plus tardives en 2011 (âge moyen 84 ans et 5 mois) qu’en 2007 (83 ans et 5 mois), selon une étude de la DREES (direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques). Doit-on y voir le signe d’une évolution des attentes des Français en matière de prise en charge de la dépendance ? Si un de leurs proches devenait dépendant, huit Français sur dix souhaiteraient qu’il continue à vivre à domicile. Parmi les raisons invoquées, le coût des établissements et la crainte de la maltraitance, ainsi que « l’idéologie du maintien à domicile », décrite par les sociologues Florence Weber, directrice des études en sciences sociales à l’École normale supérieure (ENS), Loïc Trabut, chercheur associé au Centre d’études de l’emploi et Solène Billaud, post-doctorante au Centre Maurice Halbwachs. Cette idéologie conduit notamment à « considérer l’institution comme un lieu de privation de liberté. » Les ménages aisés envisagent plus souvent de déléguer la prise en charge de leur parent dépendant, constate Sébastien Grobon, de la DREES. Les personnes les moins aisées, qui déclarent rarement envisager de vivre en établissement, recourent pourtant fréquemment à cette solution. Leur attitude vis-à-vis de l’institution est plutôt liée à des problématiques financières qu’à une véritable anticipation du niveau de dépendance. Cette réticence s’expliquerait par plusieurs facteurs : l’inquiétude concernant le coût de l’institution, le poids des formalités administratives nécessaires à l’instruction du dossier de l’aide sociale à l’hébergement, le principe de l’obligation alimentaire ou encore la récupération sur succession. Il est difficile de savoir si la préférence pour le maintien à domicile s’explique d’abord par l’habitus [selon le sociologue Pierre Bourdieu, ensemble de dispositions durables, acquises, qui consiste en catégories d’appréciation et de jugement et engendre des pratiques sociales ajustées aux positions sociales] ou par le niveau de revenus. En revanche, un point ne fait pas débat : « quel que soit le niveau de vie, la probabilité d’aller en établissement est d’autant plus forte que le niveau de dépendance est élevé. »
Le Mensuel des maisons de retraite, décembre 2014. Grobon S. Les ménages aisés envisageraient plus souvent de déléguer la prise en charge de leur proche parent dépendant. DREES. Dossiers solidarités et santé 2014 ; 57. Décembre 2014. www.drees.sante.gouv.fr/IMG/pdf/dss57.pdf(texte intégral). Weber F, Trabut L et Billaud (coord.). Le Salaire de la confiance. L’aide à domicile aujourd’hui. Paris : Éditions Rue d’Ulm. 2014. 368 p. ISBN 978-2-7288-0504-4.
www.presses.ens.fr/produit.php?ref=978-2-7288-0504-4&id_rubrique=24.