Enjeux éthiques : concevoir des espaces « capacitants »

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Date de rédaction :
25 septembre 2014

« Avoir des capacités sensorielles, motrices et cognitives réduites rend plus difficile la compréhension et la maîtrise de son environnement. Les personnes malades ont besoin d’un environnement physique et humain de qualité, qui tienne compte de leurs difficultés et de la façon particulière dont elles perçoivent le monde », rappelle Fabrice Gzil, docteur en philosophie et responsable du pôle Études et recherche de la Fondation Médéric Alzheimer. Cela implique, d’abord, que celles-ci ne soient pas confinées dans des espaces clos, qu’elles ne fassent pas l’objet de contentions injustifiées, qu’elles puissent aller et venir aussi librement que possible, que l’accès à la terrasse ou au jardin ne soit pas systématiquement empêché, que les portes de l’unité ou de l’établissement ne soient pas des murailles infranchissables, que les personnes puissent en sortir, et que d’autres (enfants, petits-enfants, amis…) puissent – et aient plaisir – à y entrer ; bref, que l’institution soit ouverte sur le quartier et la cité. Cela implique, ensuite, que l’environnement physique et humain n’accroisse pas la dépendance, la confusion ou l’anxiété des personnes et ne crée pas, de fait de règles trop strictes, une source supplémentaire de frustration, d’ennui ou d’inconfort. Comment donner aux résidents l’opportunité d’”habiter” l’espace de la maison de retraite, et non le sentiment de vivre sur le lieu de travail du personnel ? » s’interroge Fabrice Gzil. « Peut-être en créant les conditions pour que l’environnement de la maison de retraite soit “capacitant” », c’est—à-dire « un environnement qui sécurise, mais pour donner des possibilités de choix et d’action ; qui permet aux personnes de participer, à leur manière, à la vie de l’institution, plutôt que d’être des objets passifs d’aide et de soin ; qui donne aux personnes l’occasion d’utiliser leurs savoir-faire, d’exploiter leurs capacités, et de s’engager dans des activités qui font sens pour elles. Cela peut passer par le fait d’exprimer ses talents de bricoleur ou de maîtresse de maison, ou tout simplement de se sentir autorisé à disposer librement de l’espace, parce que l’équipe adopte une attitude faite de vigilance et d’attention, plutôt que de surveillance et d’interdiction. »

Gzil F. Enjeux éthiques : concevoir des espaces « capacitants ». Animagine 87 : 9. Octobre-novembre 2014.