Enjeux électoraux : les maladies chroniques (2)
Droit des personnes malades
Pour Emmanuel Hirsch, professeur d’éthique médicale à l’Université Paris-Sud XI, les maladies chroniques et la santé publique sont un thème absent des joutes électorales. Alors que la maladie au long cours « bouleverse les acquis et précipite dans l’incertitude », écrit-il dans le Nouvel Observateur, « les personnes malades devraient être reconnues dans des droits qui leurs sont plus que jamais discutés » à l’heure du dixième anniversaire de la loi du 4 mars 2002. Grâce aux avancées des sciences biomédicales, plus de quinze millions de personnes vivent avec une maladie chronique. Les affections de longue durée représentent plus de 60% des remboursements de l’assurance maladie et suivent une courbe de progression à la mesure des évolutions médicales et de la longévité. « S’il est évident que la maladie d’Alzheimer a ses spécificités qui la distinguent par exemple de la sclérose en plaques ou de l’épilepsie, certains déterminants caractérisent les difficultés au quotidien liées à ces pathologies. Pour des personnes jeunes, la maladie envahit le moment présent, déstabilise l’équilibre familial, contribue aux fragilités notamment en terme économique, et menace l’avenir ». « Ce n’est que récemment qu’a été prise en considération la fonction essentielle du proche, souvent le conjoint ou un membre de la famille, assigné à un rôle d’assistance permanente, avec de rares moments de sortie lorsque les professionnels interviennent au domicile ». Emmanuel Hirsch appelle à « une concertation nationale qui permette à chacun de mieux saisir les enjeux politiques d’une approche humaine et sociale des personnes atteintes de maladies chroniques, et de décider ensemble en toute connaissance de cause ». « Les personnes dépendantes, celles qui parfois n’ont plus la force de revendiquer quoi que ce soit pour elles ou leurs proches, aspirent à un maintien dans un environnement familier le plus longtemps possible. Il leur faut bénéficier d’un suivi adapté dans le cadre de réseaux de proximité. Pour toutes, l’exigence d’une citoyenneté reconnue apparaît impérative. La chronicité d’une maladie pourrait être ainsi ressentie comme un privilège, celui d’années conquises sur la vie, si les avancées politiques permettaient d’être à la hauteur de celles rendues possibles par la médecine. Il s’agit donc de penser un tel enjeu de société et de santé publique comme une des urgences politiques à défendre par ceux qui sont prêts à témoigner d’un véritable souci de nos vulnérabilités sociales », écrit Emmanuel Hirsch.
http://leplus.nouvelobs.com/contribution/356442, 6 mars 2012.