Échappée fictive : prendre le train plutôt que la tangente

Acteurs de l'écosystème Alzheimer

Date de rédaction :
03 mars 2017

À Valenciennes (Nord), l’EHPAD (établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes) associatif Notre-Dame-de-la-Treille accueille soixante-dix-huit résidents dont quatorze en unité sécurisée. Pour eux, depuis octobre 2016, l’établissement expérimente « la thérapie du voyage ». Il s’agit « d’un départ, d’une fugue organisée ou improvisée en fonction de l’état psychique du résident », explique la directrice Emmanuelle Tiry. « Lorsque la crise est proche, que les soignants sentent chez la personne âgée un besoin de quitter l’unité, direction le hall des départs. » Le dispositif est pour l’heure unique en France. Le concept a été créé par le Dr Cilesi, médecin milanais professeur à l’Université médico-technique de Lugano (Suisse), qui est venu former le personnel de l’établissement. « Tout un univers ferroviaire est reconstitué au sein du pôle d’activités et de soins adaptés (PASA). Porte d’entrée revisitée, valises, panneau d’affichage des trains… grâce à quelques autocollants, un simple local se change en salle des pas perdus, où se rend le résident, accompagné d’un soignant (qui aura pris soin de changer sa blouse pour une tenue civile). S’y ajoutent des éléments réels, tels qu’un banc et une horloge murale. Une autre pièce, ressemblant à s’y méprendre à un compartiment de train, abrite des fauteuils, un porte-bagages et un écran plat, sur lequel défilent des paysages variés. L’immersion est aussi sonore. À disposition, une boisson, des biscuits à grignoter, de la lecture, afin de pouvoir s’adapter à “des réactions toujours différentes” car “chaque personne va ressentir des émotions propres” », explique Emmanuelle Tiry. Le voyage fictif dans ce décor de théâtre dure entre quinze et vingt minutes. « Les résidents doivent être persuadés qu’ils sont dans un vrai train pour adhérer à la thérapie. À la fin du voyage, ils regagnent l’unité, autrement dit, “ils rentrent chez eux”. » L’intervention, testée pour l’instant auprès de quatre résidents, « fait passer la crise instantanément. On emmène les résidents dans le train, et soit ils expriment directement leur joie de partir, soit on remarque une réduction marquée de la déambulation » dans 40% des cas. Un résident peu enclin à communiquer, a « raconté sa vie » une fois installé dans le compartiment. D’autres, atteints de troubles de l’attention, prennent un livre pendant le “trajet” » : « une fois que vous avez fermé la porte du wagon, vous n’êtes plus dans l’EHPAD », assure la directrice, qui reste mesurée : cela « fascine beaucoup de monde », mais « c’est un dispositif médical, pas du gadget, on peut aggraver le trouble si on s’en sert mal. Il y a des contre-indications, par exemple avec les résidents sujets à des hallucinations. » L’expérimentation a été autofinancée à hauteur de trente mille euros (installation des éléments et formation). L’agence régionale de santé (ARS) des Hauts-de-France est venue visiter l’installation et attend une évaluation.