Dernier combat politique : lutter contre l’isolement
Société inclusive
En 2007, Bernard Carton, conseiller municipal socialiste à Roubaix, vice-président du Conseil général du Nord et président de l’office HLM Habitat du Nord, apprend qu’il est atteint de la maladie d’Alzheimer. Le neurologue lui annonce : « vous ne pouvez plus travailler ». Le coup est rude, « mais je n’ai jamais désespéré, jamais je ne recule », lâche aujourd’hui Bernard Carton. À l’époque, il a décidé de ne pas suivre l’injonction médicale et de ne pas cesser ses activités. Il a achevé son mandat municipal et fait campagne pour son ancien rival politique en se plaçant dernier, donc inéligible, sur la liste électorale. Les militants ne le reconduisent pas pour un ultime mandat. Puis la maladie gagne du terrain et il est contraint de quitter la tête d’Habitat du Nord. « La maladie était trop présente, on perd ses repères, son orientation, sa concentration », reconnaît-il. Bernard Carton n’a révélé sa maladie qu’en avril 2012. Julien Gilman, du Figaro, a choisi de raconter cette histoire, vécue comme un choc : « le jour où on dit qu’on est atteint de la maladie, c’est incroyable, plus personne ne vient vous dire bonjour. On a l’impression d’être des parias », témoigne Bernard Carton. Rapidement, sa femme Claudie et lui se retrouvent isolés. De trop nombreux proches tournent le dos, les amis politiques ne donnent plus signe de vie… C’est comme une mort sociale, un enfermement en tête à tête avec Alzheimer. L’isolement est d’autant plus grand que les démarches administratives sont longues et les écueils souvent difficiles à franchir. « Je ne demandais pas de passe-droit », signale Claudie Carton, insistant sur la légitimité de ses démarches. « C’est très, très dur à vivre. » Avec le soutien de deux aides-soignantes, Claudie Carton a pu souffler et l’ancien élu s’est remis à sortir, à fréquenter des amis, à aller au restaurant ou au cinéma. Il suit l’actualité et tient à afficher son soutien au maire sortant et camarade de parti. « Il est en recherche de contact », même s’il est physiquement diminué et peut montrer des difficultés à exprimer clairement sa pensée. « Mais, même s’il est lent, ses capacités intellectuelles sont toujours là », assure l’aide-soignante. « Avec la maladie d’Alzheimer, plus le cerveau est entraîné, moins la maladie évolue vite. Or Monsieur Carton a une grande culture générale, qu’on essaie d’entretenir. » Bernard Carton lance un appel pour dénoncer le tabou et la peur qui entourent la maladie : « je veux donner de l’espoir et dire qu’aujourd’hui, grâce à ces dames, je vis avec cette maladie, et je vis très bien ». « On n’est pas contagieux, quand même ! Mais les gens craignent de se retrouver dans une telle situation… », déplore-t-il. « Il faut qu’ils fassent attention, un coup de fil de temps en temps, ce n’est pas grand-chose », poursuit son épouse. Pour ceux qui vivent dans la souffrance de la maladie, ce sont ces petits riens qui apportent le réconfort.
Le Figaro, 15 février 2014.