Dépendance Day, de Caroline Vié (1)

Société inclusive

Date de rédaction :
17 février 2015

Le thème de la maladie d’Alzheimer est-il encore tabou ? Oui, répond Caroline Vié dans un entretien avec Stéphanie Belpêche, du Journal du dimanche : « j’ai compilé les expériences des gens avec lesquels j’ai pu discuter et constaté que certains détails sont éludés. Il n’était pas question de pratiquer l’autocensure ni de déraper dans le sordide, mais d’évoquer la perte de la mémoire et de la motricité, l’incapacité à accomplir des choses banales comme manger, lacer ses chaussures, respirer. Parfois, les malades redeviennent lucides un bref instant et se rendent compte de ce qui leur arrive. C’est terrible. Pour l’accompagnant, la réaction est viscérale, il doit rester actif, utiliser un humour de défense pour affronter l’insoutenable. » Journaliste de cinéma, Caroline Vié a longtemps participé à l’émission de Canal + « Le Cercle », et travaille actuellement au quotidien 20 minutes. Dépendance Day est son deuxième roman, qui raconte la vie de trois femmes sous la menace génétique de la maladie d’Alzheimer. « Un thème dur qu’elle choisit de parsemer d’humour noir, la meilleure des médecines à un mal incurable », écrit Jennifer Lesieur, de MetroNews. « Je me laisse tomber sur un banc, le souffle court », écrit la romancière. « Je ne sais plus où je suis. À Paris. Dans une rue. Elles se ressemblent toutes. J’ai rendez-vous. Je suis perdue. Je tente de me calmer. La respiration abdominale n’a pas été inventée pour les caniches, comme dirait ma copine Véronique. Inspirer. Expirer. Je me répète la date, mon nom, celui de mon mari, de ma meilleure amie et du président de la République. Commence à m’apaiser. Ce n’est pas pour aujourd’hui. Ça n’a pas encore commencé. Je me suis juste égarée. Non, ce n’est pas pour maintenant. La malédiction qui a abattu ma grand-mère et ma mère ne m’a pas encore frappée. » Elles s’appellent Lachésis, Clotho et Morta, comme les trois Parques de la mythologie, divinités grecques qui tissent et brisent, le fil du fragile destin des hommes. Par les temps qui courent, le destin préfère se fier à la génétique plutôt qu’aux Parques. « Elles filent leurs propres vies, entre joies familiales et blessures d’adultère. De génération en génération, surtout, elles se transmettent le même rouet, la même malédiction : l’oubli, la folie, la perte de soi – ce que l’on appelle aujourd’hui Alzheimer. Clotho a dû enfermer Lachésis. Morta, la narratrice, sait qu’un jour elle devra à son tour enfermer Clotho. »