Déménagement : un jeu de société ?

Acteurs de l'écosystème Alzheimer

Date de rédaction :
13 juin 2015

Le 6 février 2015, le journal Sud-Ouest annonce que la maison de retraite de Langoiran(Gironde) va déménager. « Un rachat par un groupe commercial et une nouvelle implantation à vingt kilomètres qui la fait passer d’un bourg rural à la métropole urbanisée. Un détail, vu d’un bureau, sur une carte ou au travers d’un outil de planification », s’indigne le psychosociologue Jean-Jacques Amyot, fils d’une résidente et directeur de l’OAREIL (Office aquitain de recherche, d’étude, d’information et de liaison sur les problèmes des personnes âgées). « Ici, on abrite des lits, pas des personnes, on ne déplace que des lits, pas des personnes (…) Si vous avez de l’argent, suffisamment, vous pouvez acheter des lits et les déplacer au gré de vos intérêts, même s’ils sont occupés », comme dans un jeu de société ». Pour le Conseil départemental : « l’arrêté de transfert est conforme au schéma départemental. Le projet de délocalisation de Langoiran n’entraînera pas de situation de déséquilibre sur un territoire de santé qui reste excédentaire en offres de places en EHPAD (établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes). » Jean-Jacques Amyot s’indigne : « il faut donc comprendre à travers cette expérience qu’en résidant dans un EHPAD, on n’obtient pas le statut d’habitant. Le lieu de vie, la chambre comme espace intime, les droits qui lient l’individu à son logement, c’est un discours malhonnête qui laisse les résidents dans une ignorance crasse et dangereuse (…). On ne déplace pas des habitants d’un immeuble à vingt kilomètres sans informations, sans précautions, sans négociations et même parfois sans contreparties ; on n’expulse pas quelqu’un d’un logement sans tenir compte d’une législation qui réglemente ces initiatives, comme l’on n’exproprie pas sans respecter une procédure (…). Pour les résidents de maisons de retraite, il en va autrement. Ce n’est ni l’environnement, ni l’établissement, ni la chambre qui comptent. Un résident habite un lit. Peu importe qu’il soit ici ou là. L’action à contre-pied du discours : plus on est vulnérable, moins on est protégé. » Jean-Jacques Amyot dénonce une « irresponsabilité collective » aux conséquences potentiellement « redoutables », et une « interprétation cynique » de l’adaptation de la société au vieillissement : « l’immense dispositif d’accompagnement des personnes âgées avec ses formations, ses législations, ses recommandations, ses bonnes pratiques, sa bientraitance, bref son arsenal éthique, peut s’écrouler comme château de cartes au moindre bruissement commercial ? Des centaines de milliers de personnes très âgées peuvent être ainsi déménagées, suivies d’une longue procession de professionnels et d’aidants de proximité qui n’ont qu’à se taire ? Au suivant ? »

Amyot JJ. L’adaptation de la société au vieillissement : l’envers du décor ? Rev Gériatrie 2015 ; 40(4) : 241-242. www.revuedegeriatrie.fr/index.php.