Déclin cognitif : vulnérabilité féminine
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Les hommes et les femmes ne sont pas égaux devant la maladie d’Alzheimer. Aux Etats-Unis, près de deux tiers des personnes âgées vivant avec la maladie d’Alzheimer sont des femmes. Après l’âge de soixante-dix ans, la prévalence de la maladie est de 16% chez les femmes et 11% chez les hommes. À l’âge de soixante-cinq ans, les femmes sans troubles cognitifs ont plus d’une chance sur six d’âtre atteintes de la maladie d’Alzheimer au cours de leur vie, contre une chance sur onze chez des hommes. On sait maintenant que le déficit cognitif léger évolue plus rapidement vers la maladie d’Alzheimer chez les femmes que les hommes, selon une étude portant sur quatre cents personnes menée par Katherine Lin, de l’Institut des sciences du cerveau de l’Université Duke (Caroline du Nord, Etats-Unis). Même en ajustant les données pour tenir compte de différents facteurs tels que l’âge, le niveau d’éducation et la prédisposition génétique, le déclin cognitif après quatre ans est près de deux fois plus rapide chez les femmes en ce qui concerne la mémoire et les capacités cognitives ainsi que la capacité à réaliser les activités de la vie quotidienne. La différence entre hommes et femmes s’accélère avec le temps. « Ces résultats suggèrent qu’il pourrait exister des facteurs de risque génétique ou environnemental spécifiques au sexe pouvant agir sur le rythme de dégradation des capacités cognitives », explique la chercheuse. « Nous n’avons pas encore suffisamment fait de recherches pour déterminer ces variations entre les deux sexes » qui pourraient expliquer la plus grande vulnérabilité des femmes à la maladie d’Alzheimer, souligne Kristine Yaffe, de l’Université de Californie à San Francisco (Etats-Unis). « On sait que les femmes sont plus sujettes à la dépression et supportent moins le stress, qui sont des facteurs de risque de cette maladie. Les différences entre les sexes pourraient découler d’une interaction complexe entre des facteurs génétiques et hormonaux et la manière dont le cerveau se développe. » « Ces résultats sont très intéressants, mais il est encore trop tôt pour en tirer une conclusion quelconque », tempère Edward Huey, géronto-psychiatre à l’Université Columbia de New York (Etats-Unis). « Cette différence de vitesse du déclin cognitif entre les hommes et les femmes doit désormais être prise en compte dans tous les essais cliniques. » Maria Carillo, responsable scientifique de l’Association américaine Alzheimer, déclare : « les femmes sont affectées de manière disproportionnée par la maladie d’Alzheimer, et il y a un besoin urgent de comprendre si des différences dans la structure cérébrale, la progression de la maladie et des caractéristiques biologiques contribuent chez elles à une prévalence plus élevée et à un déclin cognitif plus rapide. Pour intervenir et contribuer à réduire le risque de maladie d’Alzheimer, il est critique de comprendre les raisons de ces différences. » L’Association américaine Alzheimer a lancé une campagne de levée de fonds (Women’s Alzheimer’s Research Initiative) pour lever cinq millions de dollars (4.5 millions d’euros) pour financer des projets de recherche liés au genre dans la maladie d’Alzheimer et les maladies apparentées, et a réuni récemment un groupe expert pour faire le point des connaissances sur le sujet.