Convivialité

Société inclusive

Date de rédaction :
01 septembre 2012

Pascale Santi, du Monde, s’intéresse aux Bistrots Mémoire, une initiative née à Rennes en janvier 2004 et inspirée par les Cafés Alzheimer créés aux Pays-Bas en 1997 et qui ont essaimé depuis dans d’autres pays. « Il ne raterait ce rendez-vous pour rien au monde. Comme chaque deuxième jeudi du mois, Denis s’est rendu au bistrot mémoire qui se tient au café-restaurant Le Villeroy à Villers-lès-Nancy(Meurthe-et-Moselle). « Il y a deux ans, Denis, alors âgé de soixante-quatre ans, perdait tout, cherchait sa voiture pendant des heures, oubliait des mots… Aujourd’hui, cet homme souriant et philosophe, qui ne veut pas être réduit à sa maladie, profite de ces moments sympathiques ». « Ma femme a besoin d’aide », dit Yvon, qui se présente pour la première fois. Son épouse Maria, qui travaillait alors comme assistante de vie, a beaucoup pleuré lorsqu’elle a appris son diagnostic en 2008. « On jouait beaucoup au Scrabble et un jour, Maria n’est plus arrivée à compter les points. Elle disait des choses incohérentes, ne se souvenait plus des dates de naissance de ses petits enfants ». Dialogue entre personnes malades : Denis demande à Maria, en toute bienveillance : « Cela vous fait du bien de savoir que d’autres personnes sont comme vous ? » La journaliste explique : « la maladie modifie les repères, touche la personne dans son identité. On entend souvent : « elle/il n’est plus comme avant… » Les rapports aux proches, psychologiquement très affectés, se trouvent chamboulés, ce qui peut provoquer un épuisement. Paradoxalement, les « aidants », ces proches qui accompagnent les malades, ont parfois du mal à reconnaître qu’ils ont eux aussi besoin d’aide. « On se débrouille comme on peut », dit Yvon. Pour Marie-José Dolci, co-animatrice du Bistrot Mémoire de Nancy et bénévole à Alzheimer 54, « le but est de tisser un réseau pour prendre soin du malade et de l’aidant. Tout ce qui est proposé, plateforme de répit, groupe de parole pour aidants, accueil de jour… devrait être mis en réseau ». Des sorties peuvent aussi être organisées au musée, au cirque, au théâtre, au cinéma. Des « petits riens » qui sont beaucoup, « car ces personnes ont souvent vu leurs amis s’éloigner, comme si la maladie leur faisait peur », écrit Pascale Santi : « en quittant le bistrot, après avoir payé leur consommation, les personnes se saluent, s’embrassent. Rien à voir avec l’ambiance d’une réunion à l’hôpital. Pour les malades, ça change tout, car si « la mémoire fout le camp », la sphère émotionnelle reste très présente. Il suffit parfois d’une caresse, d’une écoute, d’un rire, pour que le malade se sente mieux ». Driss Chouali, patron du restaurant, est ravi : « cela m’a permis de comprendre cette maladie ».

Le Monde, 17 septembre 2009.