Comment être quand je ne sais même plus qui je suis ? (1)
Droit des personnes malades
Catherine Ollivet, présidente de France Alzheimer 93, écrit : « pour bénéficier et même revendiquer ces droits de l’homme promulgués le 10 décembre 1948 et évoqués le 10 décembre 2010 dans le cadre de l’ouverture de l’EREMA, encore faut-il pouvoir être, se sentir être, se reconnaître être homme. Et pourtant. Comment être quand je ne sais même plus qui je suis ? Les symptômes de certaines maladies neurologiques dégénératives peuvent me priver peu à peu de mes capacités de connaître mon nom de femme mariée depuis quarante-cinq ans, de retrouver le prénom de mes enfants, de me reconnaître au point même de ne plus savoir qui peut bien être cette personne que je vois dans la glace en face de moi. Mais bien avant d’en arriver à ce stade de mes pertes cognitives, comme disent les savants, comment puis-je encore être quand mon identité même disparaît ? Si je suis atteinte d’une maladie d’Alzheimer, et que je vis chez moi, je conserve toujours mon identité : je reçois des courriers à mon adresse, des factures à mon nom, ma taxe d’habitation qui m’affirme mon lieu de vie, les lettres de mes petits-enfants qui commencent par « ma bonne maman », et tant d’autres détails de la vie quotidienne, éléments précieux pour continuer encore et toujours à me reconnaître. Pour mon médecin qui me fait un MMSE (mini-mental state examination) afin d’évaluer mes capacités cognitives, je suis atteinte d’une démence, mais pour mon voisin de palier, je suis complètement folle car il m’arrive parfois de sortir faire mes courses à deux heures du matin, de me tromper de porte à mon retour et d’être très en colère en constatant que ma clé n’arrive pas à ouvrir… sa porte. Mon médecin me dirige vers un neurologue pour établir un diagnostic différentiel qui me permet de devenir une Alzheimer, un corps de Lewy ou une démence fronto-temporale. Si je dois être hospitalisée, je suis nommée patiente avec un numéro de Sécurité sociale, mais je vais devenir en même temps, usager d’un établissement sanitaire dans lequel des représentants des usagers s’efforcent de faire progresser la qualité de ma prise en charge. Si mon retour chez moi est devenu impossible, je vais tout à coup, par la grâce de mon entrée en EHPAD, devenir une résidente et une dépendante puisque telle est la signification du D de EHPAD (établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes). Si j’ai de la chance, les plus subtils et respectueux m’appelleront peut être en perte d’autonomie pour paraître moins péjoratifs. Pour l’évaluatrice du Conseil général, je serai une GIR 2 (groupe iso-ressources niveau 2) ce qui me permettra d’être une bénéficiaire de l’APA (allocation personnalisée d’autonomie) en établissement d’accueil.
Espace national de réflexion éthique sur la maladie d’Alzheimer. Actualités n°2. Décembre 2010. www.espace-ethique-alzheimer.org. www.senioractu.com, 16 décembre 2010.