Citoyenneté fissurée
Acteurs de l'écosystème Alzheimer
« La maladie d’Alzheimer tend à fissurer la citoyenneté », écrit Laurence Hardy, sociologue et responsable du centre de ressources Askoria à Rennes. « Les notions d’échanges solidaires, d’”utilités” sont questionnées par la maladie d’Alzheimer, car ce qui nous inscrit dans une société, c’est donner et recevoir. Ceux qui ne semblent pas ou ne plus pouvoir apporter peuvent n’inspirer que rejet, mépris ou pitié ; jusqu’à cette terrible question : sont-ils véritablement, entièrement humains ? Ce qui nous inscrit dans l’humanité, c’est avoir la possibilité de pouvoir, par quelque moyen que ce soit, exprimer des choix au quotidien et préserver leur intimité. C’est minutieusement que leur liberté doit être respectée et la protection de ses conditions d’exercice adaptée. C’est obstinément que leur égale dignité doit les faire respecter dans chaque détail de l’existence, où que ce soit et quel que soit le degré de communication possible. Nous nous situons ici au cœur de la vie autonome, c’est-à-dire non affectée par la volonté d’autrui, bornée dans son exercice par son entourage. C’est préserver la capacité juridique et les droits individuels, quand les capacités physiques ou mentales sont limitées voire disparaissent, pour devenir dépendance physique, économique, sociale, vis-à-vis des professionnels spécialisés, de la famille et des dispositifs de l’État social.» Pour la sociologue, « une citoyenneté se déclare et doit briser le monopole de la relation de soins, l’asymétrie entre le « malade » et les autres. La présence de bénévoles doit être une ouverture tout comme le droit et l’accès au répit pour les aidants qui peuvent alors, eux aussi, s’inscrire dans le maintien de leur propre citoyenneté entravée par l’accompagnement du proche. C’est d’autant plus important que c’est une maladie qui isole tous les « acteurs » qui gravitent autour et avec la personne en souffrance et, par ricochet, peut conduire à des formes de maltraitance. »
Doc’Alzheimer, avril-juin 2014.