« C’est ma sœur »
Société inclusive
Une dame de quatre-vingt-dix ans veut rester chez elle, tout en refusant toute aide extérieure. Juste une heure le matin, le ménage hebdomadaire et des plateaux-repas qu’on lui apporte le soir. Mais rien d’autre. Une dame qui ne veut plus voir l’infirmière, ni les dames pourtant très gentilles qui venaient à midi et le soir pour l’aider à manger. Au grand désespoir de Nicole, sa sœur, quatre-vingt-cinq ans, qui vit à dix kilomètres et passe tous les week-ends. « Le dimanche, je prends le relais et je fais ses courses, la lessive et je gère l’administratif. Le week-end dernier, comme j’étais absente, je lui avais tout acheté pour le dimanche et tout écrit sur une feuille collée sur le réfrigérateur. Mais elle n’a rien mangé, que les pots de yaourt, de crème au lait ou gâteau de semoule ou riz (seize pots en trois jours). Je ne sais pas si je dois râler, si je dois ne rien dire… Elle veut rester seule chez elle, sans visite. Je suis désorientée, car moi aussi je vieillis et j’ai une famille, des enfants, des petits-enfants et même sept arrière-petits-enfants. » Au téléphone, l’angoisse, cette fois, est toujours là. « De temps en temps, elle renvoie la personne du matin. J’ai peur que l’association finisse par ne plus envoyer personne. Je n’en dors plus », confie Nicole. Deux courriers à un journal. Deux détresses ordinaires face à une maladie qui chamboule tous les repères. « Elle ne me reconnaît presque plus “, dit l’un. « C’est moi qui ne la reconnais plus », dit l’autre. Deux « aidants » parmi d’autres, déboussolés, conclut Pierre Bienvault. Mais une fois le téléphone raccroché, le même sentiment que, malgré la fatigue et la solitude, ces deux-là ne vont pas baisser les bras. « C’est ma mère “, dit l’un. « C’est ma sœur », dit l’autre.
Aux Etats-Unis, deux autres sœurs, dont l’une est atteinte d’une forme familiale (génétiquement héritée) de la maladie d’Alzheimer, ont inspiré la journaliste Niki Kapsambelis qui a écrit l’histoire de la famille dans un livre intitulé L’Héritage. Dans les trois dernières générations de cette famille, quinze personnes sont atteintes de la maladie et treize sont dans l’incertitude. « Ma plus grande peur », dit Robin, qui n’est pas malade, « est qu’il n’y aura jamais de traitement curatif et que je vivrai ce que ma mère a enduré. » Jessica, qui vit avec le diagnostic génétique mais n’a pas de symptômes pour l’instant, se dit prête à affronter ce qui doit arriver. « J’en suis sûre. Je l’ai déjà vu. Cela arrive lentement ». Elle participe à un essai clinique de prévention.
www.la-croix.com/Sciences-et-ethique/Sante/fils-soeur-face-maladie-dAlzheimer-2017-05-30-1200851131,www.facebook.com/lacroix.journal/posts/10154576494462011, 30 mai 2017. www.latimes.com/nation/la-na-alzheimers-sisters-2017-story.html, 3 avril 2017. Kampsabelis N. The Inheritance. A Family on the Front Lines of the Battle Against Alzheimer’s Disease. New York; Simon and Schuster. Mars 2017. 368 p. ISBN: 978-1-4516-9722-3.
www.simonandschuster.com/books/The-Inheritance/Niki-Kapsambelis/9781451697223.