« Caroline ne rentre dans aucune case »
Société inclusive
En 2011, Caroline Inizan a trente-six ans lorsqu’elle passe une première série d’examens neurologiques. « Le médecin nous a renvoyés vers un de ses confrères. Il avait sûrement décelé ce qu’elle avait mais vu son âge, il n’y croyait probablement pas », relate Stéphane, son mari, de quatre ans son aîné. Quelques semaines plus tard, la jeune femme apprend qu’elle est atteinte de la maladie d’Alzheimer. « Elle le savait déjà, elle avait compris », lâche son époux. « Notre père en est décédé il y a vingt ans. Et lui aussi était jeune, il avait trente-neuf ans lorsqu’elle s’est déclarée », explique Christophe Lemaire, le frère de Caroline, en évoquant une forme génétique de la maladie. La mémoire de Caroline devient défaillante : fer à repasser branché toute la journée, mauvais rendu de monnaie à la caisse du supermarché où elle travaille, ses deux filles oubliées à l’école… « Au départ, j’ai cru à une déprime. Et j’ai d’ailleurs espéré que ce soit ça », raconte son mari. Jusqu’au jour où le verdict tombe. Implacable. « C’est dur à encaisser. Elle avait vécu la maladie de son père. Elle ne voulait pas que nos enfants, qui ont aujourd’hui seize et douze ans, la voient décliner ». Caroline a essayé de vivre le plus normalement du monde aussi longtemps que possible. « Mais on ne peut pas se cacher longtemps. Quand vous n’arrivez plus à couper votre viande toute seule… ». Après un lent déclin, Caroline Inizan est aujourd’hui totalement dépendante à l’âge de quarante ans. « Il y a trois mois, elle marchait encore », soupire Isabelle Inizan, belle-sœur et présidente de « Tous ensemble pour Caro » qui soutient la quadragénaire et sa famille et arrive à mobiliser cent-cinquante personnes dans ce village trégorrois de mille quatre cents âmes. Mais malgré les aides, finalement obtenues après une longue attente administrative au contact de la Maison départementale des personnes handicapées, le reste à charge mensuel est de 600 euros par mois. « La prise en charge est compliquée car Caroline ne rentre dans aucune case », constate Hervé Lahrantec, le secrétaire de l’association. C’est la première fois dans le Finistère qu’une personne atteinte de la maladie d’Alzheimer est détectée à cet âge-là. Pour les proches, la priorité est désormais d’adapter la maison familiale où Caroline vit grâce à deux auxiliaires de vie présentes auprès d’elle en alternance. « On envisage une extension pour aménager une chambre et une salle de bain au rez-de-chaussée ». Mais le projet a été retoqué par l’architecte des Bâtiments de France. « C’est totalement ahurissant. C’est déjà tellement compliqué à vivre », s’agace Stéphane Inizan, pour qui il y a pourtant urgence « à la vitesse où va la maladie désormais… ».