Capacité à consentir des personnes atteintes de troubles cognitifs

Acteurs de l'écosystème Alzheimer

Date de rédaction :
19 décembre 2015

Clémence Lacour, docteur en droit et chargée des relations institutionnelles à la FNAQPA (Fédération nationale Avenir et qualité de vie des personnes âgées) et Lucie Lechevalier-Huard, docteur en sociologie et post-doctorante au centre Max-Weber (CNRS) publient leurs travaux réalisés avec l’aide du sociologue Benoît Eyraud, maître de conférence à l’Université Lyon-2, dans le cadre des programmes de recherche Contrast et SpéciAlz, financés par l’Agence nationale de la Recherche, la Fondation  Plan Alzheimer et la Fondation Médéric Alzheimer. Constatant que l’ordonnancement des règles juridiques dans les établissements accueillant des personnes âgées n’autorise la restriction d’aller et venir que par l’adhésion de la personne elle-même à travers son consentement, les auteurs soulignent « la discrétion avec laquelle le droit positif [du latin positum, « posé » : ensemble des règles juridiques en vigueur] régule les situations où cette adhésion est incertaine. Confrontés à cette difficulté, les acteurs privilégient les recommandations de droit souple [de l’anglais soft law : ensemble d’instruments juridiques hétérogènes (directives, circulaires, avis, chartes, guides de déontologie, codes de conduite, recommandations d’autorités administratives indépendantes, lettres d’intention, déclarations internationales, résolutions)] qui, sans remettre en cause les pratiques limitatives de liberté, ouvrent le champ à des pratiques différenciées chez les personnes âgées considérées comme se mettant en danger. » Les auteurs montrent que « les tentatives de formuler des dispositions législatives se heurtent à un obstacle difficile à saisir, dans le sens où il ne semble pas tant reposer sur des désaccords entre acteurs concernant les solutions entrevues que sur une réticence à formuler explicitement le problème de la capacité à consentir de certaines personnes âgées, notamment lorsque leurs capacités cognitives semblent altérées. » Comment interpréter cette difficulté à énoncer des règles juridiques de niveau plus élevé que le droit souple ? « Par risque de stigmatisation ; peut-être aussi en raison d’une appropriation encore insuffisante des règles relatives au consentement ; enfin, par l’absence d’outils permettant de délimiter les contours de la population à laquelle des dispositions juridiques limitatives de liberté s’appliqueraient. Au regard de l’enjeu social majeur que constituent les pratiques de soin envers les personnes âgées atteintes de troubles cognitifs, il semble nécessaire de soumettre au débat public une réflexion sur les protections que la loi prévoit, quelle que soit l’aptitude à consentir des personnes, contre les atteintes qu’elles pourraient subir. »

Lacour C et Lechevalier-Huard L. Restreindre la liberté d’aller et venir des personnes âgées ? L’épineuse question de la capacité à consentir des personnes atteintes de troubles cognitifs. Rev Droit Sanit Soc 2015 ; 6 : 983-994.