« Aujourd'hui, je suis arrivée aux limites de ce que je peux affronter et supporter »
Société inclusive
« J’ai vécu très longtemps dans l’espoir que les difficultés et la perte de mémoire de Philippe n’aient pas pour origine la maladie d’Alzheimer. Les premiers symptômes remontent à 2006. Il avait quarante-neuf ans, Le diagnostic, en revanche, n’a été donné qu’en 2011. Quatre ans durant, où j’espérais que ce ne soit pas la maladie », témoigne son épouse. « Depuis 2011, j’ai fait tout un cheminement psychologique, j’ai appris à “accepter” ce qui était inéluctable. Le défi le plus grand pour moi et mes enfants, c’était d’apprendre à vivre avec la maladie d’un mari et d’un père. À l’annonce du diagnostic, en 2011, j’ai été effondrée, saisie par des multiples crises de larmes (…) L’aidant familial ne peut pas porter la maladie de son proche mais il peut l’accompagner vers un « mieux-être ». Aujourd’hui, je suis arrivée aux limites de ce que je peux affronter et supporter. C’est un aveu difficile mais pas pour autant un échec. La fatigue physique et l’épuisement moral l’ont emporté sur moi. Je ne peux rien y faire. Je dois reconnaître mes limites, même si celles-ci me mettent en situation d’échec. Mais est-ce vraiment un échec ? Peut-être pas. C’est peut-être juste la reconnaissance de mes limites physiques et psychologiques. Je me suis rendue à l’évidence : mon mari a besoin d’un environnement mieux adapté à l’évolution de sa maladie. Je ne peux pas le lui offrir. Il en va aussi de son bien-être physique et psychologique. Heureusement que les enfants sont là pour pouvoir me soutenir, ne serait-ce pour sortir leur père. » Comment cette aidante assume-t-elle ses difficultés au quotidien ? « Mon mari ne peut se déplacer qu’en fauteuil roulant. Ce qui est difficile à accepter, c’est que mon mari est devenu « prisonnier » de son fauteuil, dont il sort de moins en moins. Le manque de mobilité physique ne fait qu’amplifier les effets de la maladie. Tous les problèmes liés au transport sont pesants aussi. Je ne peux rien envisager sans me demander comment, techniquement, “pouvoir transporter” Philippe. Cela demande toute une organisation qui a, inévitablement, des répercussions sur mon activité professionnelle. Au jour d’aujourd’hui, je ne peux absolument pas me permettre d’arrêter de travailler pour m’occuper exclusivement de mon mari. J’ai des auxiliaires de vie, fort heureusement, qui viennent prendre le relais… et puis, il y a les enfants qui prennent leur père à tour de rôle. C’est terrible que de devoir priver le malade de liberté : la liberté de circuler, la liberté de “vouloir” ».
Association Espoir Alzheimer et handicap neurologique, 6 mai 2015. www.reness.fr/pdf/DP_ESPOIR_ALZHEIMER_OUVERTURE_CESSON.pdf.