Assumer le sens du terme « dégénératif »
Société inclusive
Pour Pascal Antoine, professeur de psychologie au laboratoire Ureca (EA1059), laboratoire d’excellence Distalz à l’Université de Lille-3, « le terme “dégénératif” correspond au processus qui touche la cellule et nous ne sommes pas obligés de faire l’amalgame entre la cellule et l’individu — même si cette confusion existe dans des représentations profanes largement alimentées par les angoisses vis-à-vis de la maladie. L’abandon du terme “dégénératif”, ce qui pourrait être une exception française en décalage avec le vocabulaire international, devra être justifié. Soit parce qu’il faut lutter contre des représentations aux conséquences socialement délétères, soit parce que le terme n’est pas approprié, c’est-à-dire qu’une dégénérescence des neurones ne participerait pas à l’une ou l’autre des pathologies concernées. Par ailleurs, “évolutif” ne dit pas tout et prête à confusion. La plupart, sinon toutes les affections, sont évolutives ; le diabète est évolutif par exemple. Il faudrait au minimum parler de “neuro-évolutif” » pour éviter une première confusion. La plupart, sinon toutes les affections neuro-évolutives dont nous parlons ici sont basées sur une dégénérescence des neurones et une involution des capacités cognitives et/ou instrumentales et/ou sensori-motrices, etc. Suggérer l’usage d’un terme plus neutre comme « évolutif » ne revient-il pas à maquiller les faits, dissimuler ce qui dérange et introduire une confusion, peut-être même un mensonge par omission ? Ceci questionne même si l’objectif a priori est louable : apaiser l’angoisse de la personne touchée (et sans doute la nôtre) quand il s’agit d’échanger avec elle. Peut-être est-ce aussi une volonté farouche de contrer le désespoir, de consolider une humanité qu’on pressent vulnérable ou d’adopter une attitude insufflant l’espoir. Un mouvement proche est perceptible quand, face aux déficits croissants et inéluctables constituant le tableau clinique, on rappelle qu’il faut mettre l’accent sur les ressources préservées, comme détournant son regard du verre à moitié vide pour regarder celui à moitié plein, en négligeant de regarder le verre tel qu’il est simplement. »
Antoine P. Assumer le sens du terme « dégénératif ». Éthique, sociétés et maladies neuro-dégénératives. Le Journal de l’Espace éthique. Hors-série, septembre 2015.