Art et démence (3)
Société inclusive
Le peintre et critique d’art Pierre Carron est fasciné par la capacité de ces hommes et de ces femmes à « peindre sans influence ». Il écrit : « ils ont pris un pinceau, des tubes de couleurs, déposant sur la toile une part d’eux-mêmes dont ils n’ont plus conscience. Ce que vous voyez sur les murs sont les œuvres d’inconnus, les jets de lumière d’une vie qui s’en va vers un monde nouveau, mystérieux, morcelé. Ces hommes et ces femmes au parcours si différent, brillant ou réglé par l’habitude, humble ou exaltant, ont mis sur ces papiers une émotion débarrassée de toute contrainte culturelle ou sociale. Plus rien ne bride leur peinture, dépouillée de ce que la société leur a apportée au fil des ans. Ils lâchent sur le papier un imaginaire sans artifice qu’ils nous font partager. Pour un instant, ils sont devenus les vecteurs d’un sentiment étrange et fort, différent pour chaque spectateur de leur peinture : celui de découvrir la réalité que nous côtoyons tous les jours sans en percevoir certains détails. En cela, ils remplissent la fonction d’une catégorie unique et particulière que nous appelons les Artistes. Ils éveillent en nous une interrogation : leurs peintures violentes, paisibles ou angoissées ne sont-elles pas une partie de nous-mêmes ? Nous qui avons toute notre capacité d’analyse, sommes-nous encore capables d’exprimer ce que nous ressentons face à une forme d’art dont les auteurs diminués dans leur intégrité répandent sur nous l’émotion intacte des artistes reconnus ? »
Association monégasque pour la lutte contre la maladie d’Alzheimer, 26 mars 2011.