Après l’ordonnance, quel engagement de la société ? (2)
Acteurs de l'écosystème Alzheimer
« Au final, qui cherche la ressource locale de proximité correspondant à l’ordonnance ? », s’interroge Catherine Ollivet. « Qui téléphone à dix orthophonistes avant d’en trouver un ou une qui accepte de prendre en charge ce nouveau patient mais à condition de l’amener à son cabinet, avec tous les obstacles que cela comporte ? Qui se bat pour convaincre son proche malade deux fois par semaine qu’il doit aller à l’accueil de jour, et qui fait en sorte qu’il soit prêt, lavé, habillé, à l’heure, qui le dépose et passe le reprendre ? Qui coordonne les horaires et les jours des différents intervenants ? Qui est présent pour informer le médecin traitant des différents événements ou modifications intervenus depuis la dernière consultation ? Qui découvre à la fin de la prise en charge de quelques séances ou semaines par un professionnel paramédical, qu’ensuite il n’y a plus rien car le renouvellement de l’ordonnance n’est pas prévu dans le plan de soins, ou que l’évolution des effets de la maladie n’autorise plus la poursuite de l’action telle que définie dans le dit plan si joliment prévu sur l’ordonnance initiale du spécialiste ? Qui doit en permanence aménager, réaménager, imaginer de nouvelles actions “adaptées” aux nouvelles conditions concrètes de la vraie vie ? Qui fait le siège du service social du Conseil général pour essayer d’obtenir quelques euros pour aider à la prise en charge financière de tout ce que la sécurité sociale n’assume pas ? Qui réunit les différentes données financières, patrimoine, revenus, et le certificat du médecin agréé, exigés afin d’obtenir pour son proche malade victime de plusieurs escroqueries la protection de la justice ? Quel est l’engagement de la société pour permettre, en l’absence d’une famille très présente, à toutes les personnes malades, de bénéficier de cet accompagnement de “bonnes pratiques” ? D’autres pays ont pourtant, depuis des années déjà, mené de telles actions : “villes et commerçants amis des malades” en Belgique, réseaux sociaux avec ses “citoyens vigilants” permettant de retrouver plus rapidement une personne disparue qu’elle soit un enfant ou une personne désorientée, etc. Les exemples ne manquent pas d’un engagement solidaire au service de toutes les personnes vulnérables, apportant aux proches le sentiment de ne plus vivre leurs responsabilités dans une solitude extrême épuisante physiquement et moralement. » Pour la présidente de France Alzheimer 93, face aux carences du système, « le premier engagement qui fournit directement les actions réelles telles que prévues par les spécialistes, est d’abord et parfois uniquement celui des proches, et même celui du premier cercle de la famille, c’est-à-dire le conjoint et/ou enfants. Et qu’en est-il alors pour celles et ceux qui n’ont pas ou plus dans leur proximité, ces proches intimes, femmes et hommes à tout faire polyvalents, qui n’ont d’autre qualification que d’être des “aimants” ? »
Ollivet C. Présence essentielle des proches. Le Journal de l’Espace éthique. Hors-série 2015 ; 22. Septembre 2015.