Après l’ordonnance, quel engagement de la société ? (1)

Acteurs de l'écosystème Alzheimer

Date de rédaction :
22 août 2015

« Le diagnostic, qu’il soit précoce, “au bon moment” ou tardif, n’a de sens, dans le cadre de maladies encore à ce jour incurables, que par l’engagement qui s’ensuit. L’engagement de qui, pour faire quoi et jusqu’où ? », rappelle Catherine Ollivet, présidente de France Alzheimer 93. « Les recommandations de “bonnes pratiques” ne manquent pas pour informer les professionnels de ce qu’il est nécessaire de mettre en œuvre selon les stades et les conséquences de ces maladies chroniques que la médecine ne sait guérir, mais que l’on peut accompagner au mieux. Mais qui va concrétiser cet accompagnement sous ses aspects multiples ? Qui va donner force et présence à l’engagement d’accompagner la personne dans les suites prévisibles de sa maladie ? » Pour Catherine Ollivet, « si les grands experts de la maladie dans les centres mémoires de ressources et de recherche (CMRR) fournissent de superbes ordonnances aux personnes malades et à leurs proches, pour le suivi après la consultation d’annonce du diagnostic ils ne fournissent pas, bien évidemment, les hommes, les compétences, les mains, qui feront humblement chaque jour ces différentes actions indispensables à la vie, et à la vie avec et malgré la maladie. Et leur engagement se limite le plus souvent à un simple “je vous revois dans trois ou six mois”. Tout commence d’ailleurs dans une grande confusion. La rédaction de “l’ordonnance” à la fin de la consultation d’annonce du diagnostic mêle deux types d’actions de suivi : certaines relèvent réellement de l’ordonnance médicale avec prise en charge par l’assurance maladie : hôpital de jour, soins infirmiers, kinésithérapeute, orthophonistes, sont effectivement pris en charge par la sécurité sociale. Mais de nombreuses actions restent à la charge de la personne malade et de ses proches : accueil de jour, ateliers de psychologues libéraux, sorties de soutien à la vie sociale, accueil temporaire en EHPAD (établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes, auxiliaires de vie à domicile, etc.). Les familles ne découvriront qu’après cette subtile différence française entre le médical et le médico-social qui fait que même si “le docteur a fait une ordonnance”, cela ne veut pas dire que c’est pris en charge par la sécurité sociale ! Et que même avec une ordonnance du médecin, cela ne veut pas dire que l’on va trouver le professionnel spécialisé près de chez soi, susceptible de mettre en œuvre l’ordonnance, en raison même des pénuries locales de certains de ces paramédicaux. Bon nombre de ces “recommandations” ne pourront devenir effectives. Et il n’est pas rare de ne même pas trouver le médecin généraliste, pourtant “pivot de la prise en charge des malades chroniques”, qui pourra venir à domicile en consultation régulière de suivi ou en urgence, tant il est difficile de faire patienter une personne malade énervée par une salle d’attente déjà pleine à son arrivée. Sans parler des déserts médicaux qui frappent aujourd’hui tout autant certaines régions rurales de notre pays que des quartiers de nos banlieues. »

Ollivet C. Présence essentielle des proches. Le Journal de l’Espace éthique. Hors-série 2015 ; 22. Septembre 2015.