Amour détruit (1)
Société inclusive
« Un amour détruit par Alzheimer », titrent les journaux : un retraité de soixante-dix-neuf ans a été jugé par la cour d’assises du Val-de-Marne pour avoir frappé à mort son épouse, atteinte de la maladie d’Alzheimer depuis huit ans. « Si je dois être condamné, je serai condamné, cela ne changera rien au problème. Ma femme est morte et je l’aimais », a dit Gabriel Armandou dans un sanglot, relate l’AFP. « Il n’y a pas un jour où, assis dans mon fauteuil, je ne la revois pas par terre. Et c’est moi qui l’ai fait ». Il a comparu libre, pour violences volontaires ayant entraîné la mort de sa femme âgée de soixante-quinze ans. La présidente a lu des extraits des cahiers tenus par l’accusé, dans lequel il rapportait les fugues quotidiennes, les disputes et les moments de paix : « je suis à bout, l’envie de me suicider m’obsède », écrit Gabriel Armandou, évoquant « ce silence que je ne peux supporter et qui détruit notre ménage » ; « j’avais l’impression de discuter avec une personne normale alors qu’elle n’était pas normale. Je savais qu’elle était malade, mais je ne me doutais pas qu’une personne pouvait en arriver à être comme ça ». « Je lui propose de faire la paix en l’embrassant, elle refuse net », « elle aime faire le mal et ne se soigne pas, probablement pour se venger », « elle n’est que haine et méchanceté, moi qui l’aime, moi qui la désire, elle n’a qu’une idée, se détruire ». L’expert psychiatre a déclaré à la barre : « Ce n’est pas une minimisation, il se sent extrêmement coupable. C’est de la dissociation, il était dans un état second. Je crois qu’il y un mécanisme de défense psychologique », un « coup de colère » émanant d’un homme « impulsif » et « dans un état dépressif » : « Il vivait une crise existentielle très importante. Il aimait sa femme mais ne pouvait plus la supporter », a-t-il estimé. L’avocat de Gabriel Armandou a réclamé « une vraie clémence » pour une affaire qui « dépasse le « point de vue légal » : « Il avait fait la promesse à sa femme de la soutenir et de l’aider jusqu’à la fin (…) Il fait partie d’une génération où on ne sollicite pas d’aide extérieure ». « On voulait se débrouiller seuls », ajoute le fils de l’accusé : « elle serait morte en prison ». « Vous voulez dire en maison ? » corrige la présidente de la cour d’assises. Gabriel Armandou encourait vingt ans de réclusion criminelle. L’avocat général n’a requis que six ans : « Nous pouvons tous un jour être ce malade. Vous devrez tous considérer pour être justes la souffrance infligée, la réalité des blessures occasionnées et qualifier les derniers instants de la vie de cette victime pour laquelle personne ne s’est constitué partie civile », a-t-elle dit aux jurés. Le tribunal a finalement condamné Gabriel Armandou à cinq ans de prison avec sursis, lui évitant l’emprisonnement.
AFP, www.liberation.fr, www.la-croix.com, 19 juin 2012