Amour, de Michael Heineke (4)

Société inclusive

Date de rédaction :
01 octobre 2012

Dans Le Figaro, Marie-Noëlle-Tranchant écrit : « La mise en scène de Haneke consigne les faits et gestes quotidiens avec une neutralité qui pourrait paraître froide, si le montage elliptique n’y introduisait pudeur et mystère, et surtout si les interprètes ne l’animaient d’une musicalité admirable. Avec eux, Trintignant et Riva impossibles à dissocier, les détails humiliants, la crudité d’un corps qui se défait, le tourment d’un esprit qui s’en va, prennent toutes les nuances de la faiblesse, du courage, de la honte, de l’agacement parfois, du dégoût et de la colère, de la douleur et de la compassion, de la tendresse et de la reconnaissance. Bientôt, elle ne sera plus que douleur, et l’amour de son mari un service humble et désespéré. Autour d’eux, le monde extérieur s’est peu à peu effacé. Après avoir renvoyé une infirmière indélicate, Georges ne veut plus personne, pas même leur fille indignée (Isabelle Huppert). Georges et Anne sombreront seuls ensemble, dans un enfermement et un étouffement choisis. Ils ne demandent l’autorisation de personne, le secours de personne. Il y a dans cet acquiescement à l’inéluctable une liberté tragique que le pathos mou de la culture ambiante nous avait fait oublier. « Souvent, les sujets difficiles sont irritants », répond Michael Heineke : « Dans mes films, il y a une retenue totale, car la sentimentalité m’énerve. La sentimentalité s’articule sur de faux sentiments. Et appuyer sur ce qui n’existe pas n’est guère intéressant. Je préfère en faire le moins possible. Par exemple je n’ai pas envie de voir mes personnages pleurer ». A-t-il peur de la mort et de la maladie d’Alzheimer ? « Non, mais j’ai peur de la souffrance. Chacun souhaite s’endormir un jour sans se réveiller, mais c’est très rare. Quant aux oublis, je stresse bien sûr quand ça m’arrive. Et je peux vous dire que ça m’arrive bien plus qu’avant. Dans ces cas-là, je fais des blagues sur mon hypothétique Alzheimer ».

www.metrofrance.com, www.lefigaro.fr, 23 octobre 2012. Le Nouvel Observateur, 21 mai et 22 octobre 2012.