Alzheimer. La vie, la mort, la reconnaissance. Une chronique et un essai philosophique, de Michel Malherbe (2)
Société inclusive
Michel Malherbe « creuse l’idée que le soin est au service d’une reconnaissance de l’autre au cœur même de la dégénérescence », poursuit Jean-Philippe Pierron. Dans cet esprit, le soin de confort, comme on le dit aussi du soin palliatif, est-il alors le dernier soin dans l’ordre chronologique [celui du temps] ou le premier soin dans l’ordre ontologique [celui de l’être] ? En effet, on a tendance à faire comme si les soins de confort ou soins palliatifs étaient des soins d’un autre type, sans technicités et en impuissances, alors qu’ils sont le cœur du soin, car c’est aussi le soignant, par sa personne et sa relation même, qui soigne (…) C’est dans le soin qui parait être “par défaut” que se révèle la priorité du soin comme attention maintenue à la fragilité de toute relation. Le soin de confort n’est pas l’échec du soin mais ce qui en explicite le sens, sinon l’essence. Il n’est ni soin d’un autre type dans la compassion, ni absence de technicité au point où on pourrait le dévaloriser comme n’ayant pas l’allure triomphante du soin qui “guérit”, mais “soin à la personne” comme on le dit justement. C’est dans et par les techniques de soins, majuscules ou minuscules, que l’éthique du soin s’épèle et prend figure. Comment, par exemple, obtenir du malade Alzheimer qui ne peut plus se nourrir seul qu’il ouvre la bouche afin de pouvoir l’aider à manger ? Résoudre pratiquement ce problème, tel est l’art du soin instruit de technicités. Forcer l’ouverture de la bouche en sollicitant un réflexe encore actif est un modus operandi. “S’il faut la sollicitude, in fine, c’est la mécanique qui est opérante”. On pressent qu’il pourrait n’y avoir là qu’une violence insensible – c’est un risque qu’encourent toutes les unités de soins que de vivre cette possible violence institutionnelle – mais il s’y cherche aussi une reconnaissance sensible. C’est là l’enjeu de la reconnaissance mutuelle alors qu’il n’y a plus de reconnaissance de soi. »
Malherbe M. Alzheimer. La vie, la mort, la reconnaissance. Une chronique et un essai philosophique. Paris : Vrin. Septembre 2015. 300 p. ISBN 978-2-7116-2641-0. www.vrin.fr/book.php?code=9782711626410&search_back=&editor_back=%. www.laviedesidees.fr/Alzheimer-ou-la-perte-de-soi.html, 11 novembre 2015.