Âgisme sémantique : ne dites pas…

Acteurs de l'écosystème Alzheimer

Date de rédaction :
18 mars 2015

« Comment espérer mieux accompagner les personnes âgées quand les mots traduisent notre approche hypermédicalisée et hypertechnique de la vieillesse ? Commençons par humaniser notre manière de dire les choses », déclare Richard-Pierre Williamson, président de l’Association nationale des coordinateurs et coordinations locales (ANC-CLIC) et directeur du centre local d’information et de coordination (CLIC) de l’agglomération de La Roche-sur-Yon (Vendée). Pour lui, la gérontologie et la gériatrie ne s’embarrassent guère d’euphémismes et n’opèrent que très lentement leur transition sémantique en restant encore largement imprégnées de culture biomédicale, économique, technico-administrative. Il imagine le récit suivant, qui pourrait être tenu par une famille : « On nous a dit qu’il fallait placer notre mère en institution. Elle est en GIR 2 [groupe iso-ressources correspondant aux personnes confinées au lit ou au fauteuil et dont les fonctions intellectuelles ne sont pas totalement altérées]. On nous a dit qu’elle irait en unité sécurisée ou serait prise en charge par le PASA [pôle d’activités et de soins adaptés], qu’un lit-Alzheimer lui serait installé parce qu’elle est démente. On lui a fait un bilan cognitif. L’infirmière-référente lui fera un projet de vie. Les AMP [aides médico-psychologiques] ou les ASG [assistants de soins en gérontologie] utiliseront un lève-malade et lui mettront un bavoir et des couches. Comme tous les pensionnaires, elle aura droit à un reste à vivre. Et nous les aidants, nous aurons un reste à charge. Avant, en consultation d’évaluation gériatrique, la neuropsychologue a mesuré avec l’échelle de Zarit, le fardeau de l’aidant. Après son séjour en UCC [unité cognitivo-comportementale], on nous a orientés vers le CLIC et notre mère a été suivie par un gestionnaire de cas. Le maintien à domicile n’étant plus possible, on nous a dit qu’il fallait l’institutionnaliser. Avec un peu de chance, en EHPAD [établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes], elle pourra bénéficier d’un espace Snoezelen [salle de stimulation multi-sensorielle] et de zoothérapie. On nous a expliqué que l’équipe avait l’obligation réglementaire de faire un projet de vie et la psychologue nous a dit qu’il faudrait faire le deuil blanc de notre mère » [processus de deuil qui se déroule chez les proches alors que la personne aimée est encore vivante]. 

Actualités sociales hebdomadaires, 20 mars 2015.