A Lezaï on meurt en vrai (2)

Société inclusive

Date de rédaction :
01 octobre 2010

Céline Feillel écrit : « un soir, je n’y tiens plus et je demande à Maman : « mais qu’est-ce qu’elle va devenir Mamie si elle oublie tout comme ça ? Parce que je sais, moi, qu’à Lezaï on meurt, mais je trouve qu’elle est trop jeune pour y aller ». Maman me caresse la joue et m’installe sur les genoux : elle dit tout bas dans mon oreille : « Mamie a tout oublié, mais pas l’amour qu’elle nous porte. Cela, ça reste au fond de son cœur pour toujours ». Et puis, l’hiver dernier, Mamie n’arrivait plus à dégloutir, elle faisait des fausses routes avec ses bouchées de pain ou de viande. Elle était devenue tellement maigre qu’elle ne marchait plus très bien. Alors elle a décidé de rester dans son lit. Papi lui faisait la lecture l’après midi, elle gardait la tête tournée vers la fenêtre. Et un jour, elle n’a plus tourné sa tête. Papi a dit : « elle est partie tranquillement… ». Moi, je suis contente parce que je suis allée la voir, elle n’était pas du tout partie. Elle était toute petite dans son lit, entièrement morte. Ses yeux étaient enfoncés mais son visage était lisse, joli. Papi avait mis une musique douce et une rose du jardin qui sent bon sur la table de chevet. J’étais bien contente qu’elle ne soit pas allée à Lezaï pour mourir, j’ai pu la revoir plusieurs fois. Et tout le monde venait lui rendre visite, les voisins, les amis de papi, toute la famille. Chacun lui disait au revoir, sans pleurer. Maman serrait Papi dans ses bras, et Papi m’a fait un clin d’œil ».

Feillel C. La tête à l’envers. In :Histoires de proches. Face à la maladie. 35 récits. Annick Roche, coordonnateur. Editions Jacob-Duvernet, Paris, octobre 2010.