Droit de mentir par humanité ou devoir de véracité ?

Acteurs de l'écosystème Alzheimer

Date de rédaction :
23 octobre 2014

Octavie Neyen, Marielle Cornet, Marie Zeringer sont élèves de première S au Lycée Mabillon de Sedan. Dans le cadre d’un questionnement éthique, elles ont recueilli des témoignages portant sur des situations où la vérité est parfois cachée aux personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer. « Pourquoi ce droit n’est-il pas toujours respecté ? Dans quelles circonstances ? Quelles en sont les raisons ? Quelles peuvent en être les conséquences ? » questionnent-elles. Leur étude est publiée dans Soins gérontologie. « D’après nos recherches théoriques, les proches d’une personne atteinte d’une maladie d’Alzheimer jugent souvent préférable de se taire lors de l’annonce d’une mauvaise nouvelle. Pourtant, si l’on s’en tient à la théorie de Kant, se taire signifierait mentir, d’où un non-respect de la dignité. Pour quelles raisons ces personnes dont les facultés cognitives sont altérées n’auraient-elles pas le droit de rester dignes ? De plus, Kant insiste sur le fait que le devoir de véracité doit s’adresser à chacun de nous, quelle que soit la personne ou quelles que soient les circonstances. » Dans leur enquête de terrain, menée auprès de professionnels de santé d’un établissement d’hébergement proche de Sedan (Ardennes), les trois lycéennes observent que « la famille ou les proches préfèrent cacher la nouvelle, non pas dans le but de nuire, mais dans celui de préserver leur parent, pensant que celui-ci n’aura pas les facultés pour comprendre, qu’il va oublier, que son état de santé risque de s’altérer rapidement. Ils peuvent craindre également une réaction inadaptée (agressivité, suicide…) ou le réveil de souvenirs douloureux entraînant une dépression. » Quant aux soignants, « ils gardent le silence à la demande de la famille, mais la relation avec la personne se détériore progressivement autour du non-dit. Présents auprès de la personne âgée, ils disent se culpabiliser et souffrir de ces situations qu’ils décrivent comme dramatiques et très difficiles à gérer émotionnellement. » Les trois lycéennes soulignent l’importance de respecter les personnes malades dans leur intégrité d’être humain : « se taire, c’est leur voler une information, même si elle est difficile à entendre, qui leur appartient et dont elles ont peut-être besoin pour vivre dignement », concluent-elles. [La véracité (vérité subjective) est le propre de celui qui n’est pas trompeur, qui répugne au mensonge, à la tromperie. La véracité est « la bonne foi de celui qui parle ». Pour Emmanuel Kant (1724-1804), la véracité, devoir inconditionné, « est un devoir formel de l’homme à l’égard de chacun »].

Neyen O et al. Le devoir de véracité vis-à-vis de la personne atteinte de la maladie d’Alzheimer. Soins gérontologie 2014 ; 110 : 40-42. www.philolog.fr/verite-veracite/, 7 mai 2008.