Audition et cognition : un manque d’entendement

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Date de rédaction :
21 décembre 2013

« La presbyacousie est très fréquente, sous-estimée et mal prise en charge, car si chacun trouve normal de porter des lunettes à cinquante ans parce qu’il est presbyte, personne ne veut faire “vieux” en arborant une aide auditive », écrit le Dr Monique Ferry, de l’unité de recherche INSERM en épidémiologie nutritionnelle à l’Université Paris-XIII et membre d’honneur du Groupe de recherche Alzheimer Presbyacousie (GRAPsanté). « Et pourtant,le succès de l’appareillage dépend de sa mise en place “au bon moment”. C’est-à-dire avant d’être isolé des autres quand on est nombreux au restaurant, de courir après le sens d’une phrase dont on a “manqué” le début… Si l’on a, par chance, réussi à “caler” son audition sur une tonalité, ne rien percevoir lorsque l’interlocuteur change de ton, justement pour souligner un point précis. Enfin, en arriver à considérer que sa propre langue devient tellement incompréhensible, parfois, que l’on peut penser qu’il s’agit d’une langue étrangère… On rentre alors dans le “dialogue de sourds”, qui fait passer le déficit sensoriel pour un vrai manque d’”entendement” jusqu’au moment où la perte de stimulation va entraîner une véritable désafférentation [interruption des sensations par absence d’influx nerveux]. Au plan psychologique, ajoute Monique Ferry, « le “sourd” est mal perçu, puisqu’il n’y a “pire sourd que celui qui ne veut pas entendre”… Il renvoie donc son entourage à ses insuffisances. Il devient aigri, supporte mal que l’on se moque de ses erreurs et devient de plus en plus acariâtre et isolé ; toutes choses qu’un bon appareillage bien conçu et bien suivi par une équipe compétente peut éviter. On éviterait ainsi d’accroître le nombre de personnes déficitaires au plan cognitif. Car il faut ajouter, enfin, que prêter attention en permanence demande une vigilance et une concentration extrêmes qui “fatiguent” énormément au point de finir par lâcher prise. » Monique Ferry rappelle que la surdité débutante est mesurée dans l’étude épidémiologique Suvimax 2 longévité, chez près de sept mille personnes âgées de cinquante à soixante-dix ans, et que le nombre de personnes dépistées est beaucoup plus important que prévu. Elle s’interroge sur la pertinence des tests neuropsychologiques administrés par oral, sans que les professionnels sachent s’ils sont entendus et/ou compris.

Ferry M. À retenir… Rev Gériatrie 2013 ; 38(10) : 784. www.revuedegeriatrie.fr.