La maladie du temps, de Fabrice Gzil (3)
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« La maladie d’Alzheimer, en dépit de ses singularités, constitue une situation-limite particulièrement instructive », poursuit le philosophe. « Dans cet accompagnement, les “aidants”, qu’ils soient familiaux, professionnels ou bénévoles, sont tous, à un moment ou à un autre, guettés par ce que Pierre Pachet, dans l’ouvrage intitulé Devant ma mère, appelle la tentation de l’indifférence ou de l’abandon. Incertains de ce que la personne perçoit encore, épuisés par un accompagnement aussi éprouvant que peu gratifié socialement, ils pourraient avoir la tentation de renoncer. Ce qui les fait tenir, malgré tout, nous ramène à ce qu’il y a de fondamental dans le soin ; à ce qui constitue l’essence de tout soin ; à ce qui fait que le soin conserve un sens même lorsqu’on ne peut plus viser le rétablissement de la santé ou le maintien d’une certaine autonomie. Ce noyau du soin, c’est – me semble-t-il – un souci, une attention au temps. Au temps que nous passons avec autrui, à ses côtés ; au temps que nous lui accordons, même lorsque sa conscience du temps s’est émoussée. Mais aussi au sens du temps que nous manifestons en continuant de témoigner à autrui de la considération, de la sollicitude et de l’attention, alors même qu’il n’a plus lui-même pleinement conscience de son identité, de la nôtre, et de notre histoire commune. La maladie d’Alzheimer nous enseigne en ce sens que prendre soin, c’est préserver, même dans les situations les plus extrêmes, un sens au temps ; que dans le soin – et singulièrement dans les soins palliatifs – s’exprime d’abord un soin et un souci de ce temps – subjectif et intersubjectif – qui est le propre de l’humanité. »
www.soin-palliatif.org/actualites/maladie-temps-sur-maladie, 26 septembre 2014.
Gzil F. La maladie du temps. Sur la maladie d’Alzheimer. Paris : Presses universitaires de France, 5 mars 2014. 72 p. ISBN 978-2-13-062143-0.
www.puf.com/Autres_Collections:La_maladie_du_temps._Sur_la_maladie_d’Alzheimer.