Le dire ou ne pas le dire ? (1)

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Date de rédaction :
18 mars 2015

« Impossible pour un médecin de ne pas se poser la question lorsqu’il doit annoncer une maladie d’Alzheimer. Une annonce souvent difficile, qui oblige le médecin à bien mesurer ce que son patient est capable de comprendre. Et aussi, et surtout, prêt à encaisser », résume Pierre Bienvault, de La Croix. L’annonce du diagnostic est le thème d’un rapport spécial annexé au rapport annuel 2015 de l’Association Alzheimer américaine. Dans l’enquête permanente menée par la caisse d’assurance santé Medicare auprès d’un panel de seize mille personnes âgées, les médecins n’annoncent le diagnostic de la maladie d’Alzheimer que dans 45% des cas. Ces résultats sont comparables à ceux d’études antérieures. « Ces taux d’annonce incroyablement bas dans la maladie d’Alzheimer ne sont pas sans rappeler ceux du cancer dans les années 1950/60, lorsque la mention même du mot « cancer » était tabou » déclare Beth Kallmyer de l’Association Alzheimer américaine.  Une étude publiée en 1961 avait ainsi montré que 9 médecins sur 10 ne disaient pas à leur patient qu’il avait un cancer. Les raisons avancées à l’époque sont semblables à celles évoquées aujourd’hui pour la maladie d’Alzheimer : désir de protéger le patient et de faire en sorte qu’il garde espoir face à une maladie dont les médecins pensaient alors qu’elle était incurable ou presque ». Pierre Bienvault rappelle : « c’était l’époque, aux Etats-Unis comme en France, d’une médecine paternaliste où l’homme à la blouse blanche décidait, souvent seul, de ce que son patient était capable ou non d’entendre. Aujourd’hui, les malades sont mieux informés et souvent désireux de défendre leur autonomie et leurs droits face à la toute-puissance du savoir médical. » En 2011, la Haute Autorité de santé recommandait que le médecin se devait de délivrer le diagnostic « de façon explicite » au patient tout en tenant compte de « son rythme d’appropriation ». Julien Berthaud, gériatre à l’hôpital Léon-Binet de Provins (Seine-et-Marne) écrivait dans Alzheimer, éthique et société : « même si on doit essayer d’adapter l’information de façon claire, loyale et appropriée, l’impossibilité manifeste d’expliquer au malade les conséquences d’une information ou les enjeux d’une décision peut imposer de ne pas lui apprendre la mauvaise nouvelle. À quoi bon risquer de faire souffrir s’il n’existe de toute façon pas de bénéfice à espérer ? »

La Croix, 14 avril 2015. Alzheimer Association. Special Report: Disclosing a Diagnosis of Alzheimer’s Disease. In: 2015 Alzheimer’s Disease Facts and Figures. Mars 2015. www.alz.org/alzheimers_disease_publications.asp (texte intégral). Gzil F et Hirsch E (coord.). Alzheimer, éthique et société. 2012. Toulouse : Erès. 320 p. ISBN : 978-2-7492-3495-3. www.editions-eres.com/parutions/societe/eres-poche-espace-ethique/p3079-alzheimer-ethique-et-societe.htm.